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Colonisation française


Olivier Le Cour Grandmaison
De l'indigénat.
Anatomie d'un « monstre » juridique :
le droit colonial en Algérie et dans l'Empire français

Paris, La Découverte/Zones, 2010.


Chapitre II. — Régime du « Bon Tyran
Des « Sujets Français », pas des Citoyens

On s'intéressera tout d'abord à la condition des « Arabes » des départements français d'Algérie car elle a longtemps retenu l'attention des contemporains en raison des particularités de cette colonie, très tôt conçue comme une colonie de peuplement, et de l'importance stratégique de ce territoire dans le dispositif impérial de la République au Maghreb et en Afrique subsaharienne.

1. Les « Indigènes » Algériens

« Nonobstant tous les principes modernes, l'Algérie d'aujourd'hui ne présente-t-elle pas l'image d'une féodalité démocratique, dans laquelle les citoyens français sont les nobles, et les indigènes les vassaux ? », s'interroge le professeur de droit François Charvériat en 1889. A cette question qui peut paraître aujourd'hui singulière, il apporte une réponse positive, précise et argumentée.

« L'état actuel de l'Algérie, poursuit-il donc, offre des analogies trop peu remarquées avec celui de la France sous la féodalité. […]

  1. Les indigènes algériens sont, dans une certaine mesure, attachés à la terre comme les anciens serfs, puisqu'ils sont punis des peines de l'indigénat quand ils établissent, sans autorisation, une habitation isolée en dehors du douar, qu'ils voyagent sans passeport en dehors de la commune mixte à laquelle ils appartiennent, ou qu'ils donnent asile à un étranger non porteur d'un permis régulier.
  2. La justice criminelle est rendue aux indigènes uniquement par des Français, comme elle l'était aux vilains par les seigneurs. Jamais, d'ailleurs, il n'y a de jugement par les pairs, puisque les jurés sont tous Français ou Israélites.
  3. Seuls les citoyens français, comme autrefois les nobles, sont appelés à porter les armes. […]
  4. Au point de vue des impôts, les terres algériennes sont nobles ou roturières, c'est-à-dire exemptes ou grevées d'impôts. En effet, les fonds appartenant à un Français se trouvent, à raison de la qualité de son propriétaire, libres de contribution foncière, tandis que ceux appartenant aux indigènes payent l'achour [un impôt sur les grains] […]
  5. Les différentes prestations en nature, imposées aux indigènes, ne sont en réalité que des services féodaux. La diffa, c'est-à-dire l'obligation de nourrir et de loger les agents du gouvernement qui se trouvent en tournée, n'est pas autre chose que l'ancienne obligation d'héberger le seigneur et sa suite. […] Enfin, les réquisitions pour travaux divers, déblaiement des routes obstruées, lutte contre les invasions de sauterelles, ne sont autre chose que les anciennes corvées.

Ce qui est étonnant, s'écrit-il en conclusion, c'est que les Franco-Algériens qui […] bondissent d'indignation au seul souvenir de la féodalité ne font aucune difficulté d'appliquer […] précisément le régime féodal dans ce qu'il présentait de plus dur pour les inférieurs. »

L'une des conséquences remarquables de cette situation sur les relations entre colons et « indigènes » est ainsi exposée par l'auteur :

« Les 250 000 citoyens français qui, en Algérie, dominent trois ou quatre millions de musulmans sont […] peut-être plus détestés par eux que les seigneurs ne l'étaient par leurs serfs. »

Dissipons immédiatement une équivoque possible en précisant que ces comparaisons et ces analyses ne débouchent pas sur une critique du statut des « Arabes » ; elles sont uniquement portées par le désir d'exposer de façon précise et pédagogique leur condition exorbitante au regard des principes républicains et du droit commun.
De même, lorsque le juriste Emile Larcher , en 1902, que « cette situation n'a rien qui doive surprendre, si l'on observe que nous sommes en Algérie dans les conditions où étaient les Francs en Gaule ».
Autrefois comme aujourd'hui encore, une « race victorieuse » a imposé « son joug et sa domination à une race vaincue », soutient-il avant de constater :

« Il y a toutefois une différence notable : si les inégalités ont été assez vite s'atténuant dans l'ancienne France, elles devront mettre plus de temps à disparaître en Algérie ; […] l'opposition de religion et de race est de nature à perpétuer l'écart entre les deux classes, citoyens et sujets. Qu'on ne s'étonne donc pas d'une inégalité de traitement, d'une diversité de juridictions, dans l'administration, dans les lois ; cette inégalité, cette diversité répondent exactement à la situation des classes en présence. »

Pour d'autres, au contraire, la comparaison du statut de l'« indigène » avec celui du « serf, taillable et corvéable à merci, de l'Ancien Régime », fonde des revendications démocratiques tendant à l'abolition des dispositions discriminatoires en vigueur dans les colonies au nom même des principes d'universalité dont se réclament la plupart des grandes puissances impériales.
Plus largement, Benito Sylvain, qui écrit ces lignes en 1901, dénonce une situation où,

« en abusant indignement de la puissance matérielle que lui assure sa funeste maîtrise dans l'art de tuer, en entravant dans un esprit hautainement égoïste l'évolution et le bonheur des autres peuples, l'Europe, depuis le règne à jamais néfaste de Napoléon, constitue un danger terrifiant pour l'humanité tout entière ».

La conclusion est énoncée en des termes fort clairs puisque Sylvain affirme :
— Dans l'intérêt de tous, il importe d'opposer une digue à sa puissance homicide.

Les origines du statut de sujet, caractéristique de la condition générale des autochtones de l'empire, se trouvent dans le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, estiment de nombreux contemporains. Telle est, par exemple, l'analyse du juriste Aumont-Thiéville qui rappelle le caractère fondateur de ce texte à qui l'on doit la « situation tout à fait spéciale » imposée aux « indigènes », lesquels occupent une position « intermédiaire entre celle du citoyen français » et celle « de l'étranger » puisqu'ils sont « sujet[s] français ».
Dans le cas particulier de l'Algérie, ajoutons, contre la légende dorée de l'émancipation des juifs de cette possession, que les « Israélites des territoires du Sud acquis après 1870 […] n'ont pas été naturalisés ».

Conséquence de cette mesure qui témoigne d'une application très restrictive du décret Crémieux du 24 octobre 1870 : — Ils sont donc sujets et non citoyens français, observe le colonel Raymond Peyronnet en 1930. Dans l'ancienne Régence d'Alger, les « israélites » sont en effet soumis à deux législations distinctes ; l'une leur accorde la plénitude des droits civiques, l'autre perpétue leur condition d'« indigène » et de mineur politique.
De même dans les protectorats tunisien et marocain, où les juifs autochtones sont « sujets du Bey et du Sultan. Et, comme tels, soumis aux lois tunisiennes et chérifiennes », ce qui signifie qu'ils « ne jouissent pas […] des droits du citoyen français ».
Voilà qui éclaire d'un jour singulier les « principes » généreux supposés avoir conduit à l'adoption du célèbre décret. Volonté d'émanciper tous les juifs de l'empire pour faire cesser des discriminations indignes ? Assurément non. Désir, bien plutôt, d'émanciper certains juifs en particulier pour des motifs conjoncturels propres aux régions anciennement colonisées de l'Algérie. C'est pourquoi les mobiles qui ont présidé à cette décision n'étaient pas universalisables, comme le prouvent les restrictions précitées.

Des dispositions analogues existent au Congo belge où la loi du 18 octobre 1908 divise les habitants en deux catégories : les Belges et les « Congolais indigènes, […] nés sur le territoire congolais d'individus de race autochtone ». Les premiers jouissent de la « plénitude des droits garantis » par la Constitution tandis que les seconds sont « privés » de toutes prérogatives politiques.

« La raison de cette privation découle du fait qu'après comme avant l'annexion du Congo par la Belgique, ses habitants furent soumis à un régime de gouvernement absolu.
Il n'était d'ailleurs pas possible d'agir autrement envers des populations dont la civilisation rudimentaire faisait obstacle à l'instauration d'un régime plus libéral. »

C'est clair à défaut d'être original, et l'on découvre ainsi que les modes de légitimation du « régime du bon tyran » sont communs à la Belgique et à la France. De même les principes qui président aux institutions coloniales et aux statuts des autochtones considérés comme des mineurs politiques incapables de jouir des prérogatives civiques des Européens.

2. L'infériorité des « Sujets Français »

« Le mot indigène […] sert à qualifier la population aborigène d'un territoire de colonisation qui a été soit annexé à la France, soit placé sous son protectorat, soit confié à son mandat. Il peut être inopportun et même dangereux [de leur accorder] tous les droits politiques et les libertés individuelles à la jouissance desquels ils ne sont pas préparés, écrit le professeur Solus en 1927. »

Conséquence pratique de cette sage recommandation partagée par l'écrasante majorité de ses pairs et de ses contemporains :

« Les indigènes de la plupart des colonies françaises ne sont que des sujets, protégés ou administrés français, et non pas citoyens français. En résumé donc, et si l'on veut caractériser […] la qualité juridique des indigènes sujets français, l'on peut dire […] [que] par leur nationalité, ils se rapprochent des citoyens français et se différencient des étrangers ; par leur soumission au statut personnel indigène, ils se séparent des citoyens français et se trouvent dans une situation analogue à celle des étrangers. »

« L'existence de cette distinction » entre « citoyens » et « sujets français » s'explique assez aisément », soutiennent aussi les juristes Rolland et Lampué dans leur Précis de législation coloniale publié en 1940.

« S'il est normal de traiter la population d'origine européenne comme la population métropolitaine, il n'en va pas de même pour la population indigène. Celle-ci est très différente de civilisation et de formation. Il est d'abord opportun de conserver pendant assez longtemps aux indigènes leurs institutions juridiques. Ces institutions coutumières […] sont en rapport avec l'état social, les besoins, les conceptions morales et religieuses des indigènes. Il faut tenir compte, en outre, d'autre chose. En raison du degré de formation des indigènes et de leur nombre, une surveillance spéciale doit s'exercer sur eux. Il leur faut souvent un régime pénal et même un régime disciplinaire particuliers. Il y a là une nouvelle raison de la distinction des deux statuts. »

Sans doute, ajoutent les mêmes, ne faut-il « pas exagérer cette distinction » puisqu'elle « ne répond pas à une infériorité permanente des sujets, mais à une situation de transition dont la durée est d'ailleurs difficile à déterminer. La mission civilisatrice de l'Etat exige qu'on ne maintienne pas indéfiniment les indigènes dans une situation légale leur assurant moins de garanties ». Qu'est-ce à dire ? Nous l'apprenons aussitôt puisque Rolland et Lampué formulent cette audacieuse proposition.

« Parmi les indigènes non citoyens, certains ont atteint un degré de civilisation leur permettant de participer à la gestion de leurs intérêts ; ils peuvent être appelés à prendre part à la désignation des membres de certains organes locaux. Parfois même il est possible de leur conférer des attributs importants du droit de cité français, et de leur donner ainsi une sorte de statut mixte. »

Des citoyens à part entière ? Non, juste quelques droits politiques octroyés avec parcimonie à ceux qui seront jugés dignes de les exercer dans le cadre fort limité d'institutions communales, par exemple.

La règle est donc : pas de citoyenneté pour les « indigènes » en général même si certains d'entre eux peuvent, à titre exceptionnel, bénéficier de prérogatives civiques qui, en dehors de l'Inde française, des Antilles et des quatre communes de plein exercice du Sénégal, leur sont notamment accordées sur la base de critères censitaires, capacitaires et/ou méritocratiques.
Critères qui dérogent absolument aux principes garantis en métropole où le suffrage « universel » masculin, selon l'expression consacrée, est établi depuis la chute du second Empire en 1870. La citoyenneté des autochtones n'est donc pas un droit mais une fonction, ou un privilège qui doit être contrôlé par l'« administration » puisque les « indigènes […] ne font pas partie de la nation française » et que, à ce titre, ils ne sauraient « intervenir en aucune façon dans l'exercice de la souveraineté nationale », affirme le spécialiste Jean Runner en 1927.
Et, pour ne laisser aucun doute sur la façon dont il faut procéder en ce domaine particulièrement important pour la stabilité de l'Etat colonial, il précise : dans chaque territoire d'outre-mer, « le développement des institutions politiques doit être cherché dans la continuation des anciennes traditions, abstraction faite des principes démocratiques européens ». Pour celles et ceux qui s'interrogeraient encore sur certains aspects des dispositions en vigueur dans l'empire, voilà une proposition propre à leur apporter une réponse dénuée de toute ambiguïté. Même souci de clarté chez le professeur Mérignhac, qui écrit :

« En agissant ainsi, on a évité dans les autres colonies le danger que nous venons de signaler relativement aux noirs et gens de couleur des Antilles. On n'est plus exposé à voir l'élément blanc débordé et noyé dans une masse indigène ignorante » et « superstitieuse que des meneurs adroits feraient voter à leur guise ».

Préserver la domination politique des colons, pour ne pas dire le monopole qu'ils détiennent au sein des institutions des possessions françaises, telle est la logique des mesures défendues par les uns et les autres.

En AEF comme en AOF, par la grâce de deux décrets du 23 et 25 mai 1912, les conditions requises pour être citoyen sont les suivantes :

« Avoir fait preuve de dévouement aux intérêts français ou avoir occupé avec mérite, pendant dix ans au moins, un emploi dans une entreprise publique ou privé ; savoir lire et écrire le français, justifier de moyens d'existence certains et de bonne vie et moeurs. »

Quant au Conseil colonial de la Cochinchine, il est composé de membres français élus au suffrage universel direct et des membres « indigènes » élus par un « collège de censitaires et de capacitaires. »

Quelques mois après la victoire du Front populaire en mai 1936, le projet Blum-Viollette (décembre 1936) prévoit d'accorder la citoyenneté à environ 21 000 « indigènes évolués » de l'ancienne Régence d'Alger, soit à peine plus de 1 % du corps électoral « musulman » selon les chiffres fournis par Maurice Viollette lui-même.
Les critères employés pour élaborer cette réforme limitée, mais abandonnée en raison des menaces de démission des maires d'Algérie, et de l'hostilité de nombreux parlementaires, demeurent méritocratiques et capacitaires.

Pour être citoyen, il faut, en effet :

Les objectifs de Viollette sont limpides : associer les élites « indigènes » pour éviter, « comme en Indo-Chine », le surgissement d'un « nationalisme exaspéré auquel les Soviets […] ne manqueront pas de s'intéresser » tout en permettant à la « métropole » de conserver le « contrôle incessant » de « ce pays qui est la clé de voûte de notre immense empire africain ».
« Le jour où il y aurait en Algérie une assemblée issue du suffrage universel, ajoute-t-il, ce serait le conflit avec le Parlement métropolitain… »

Du suffrage universel, il n'est donc pas question, précise Viollette dans l'exposé des motifs de ce projet de loi.

« Il paraît impossible d'appeler immédiatement l'ensemble des indigènes à l'exercice des droits politiques »écrit l'ancien gouverneur général de l'Algérie

Avant d'ajouter :

« L'immense majorité d'entre eux » sont « loin de désirer encore faire usage de ces droits » et ne se montrent « pas encore capables de le faire de manière normale et réfléchie ».

Simple concession tactique destinée à tenter de désamorcer une opposition virulente ? Conviction profonde plutôt, comme semble le prouver un entretien accordé au Populaire dans lequel Viollette déclare :

« Il ne s'agit pas de donner le droit de vote à la masse des indigènes algériens. […] Ces pauvres gens sont en immense majorité encore tellement dans la misère que, pour eux, un bulletin de vote ne signifierait rien : il serait à la disposition du premier agitateur venu. […] Ce serait une aventure folle que de jeter ainsi au moins deux millions d'hommes non préparés dans des luttes électorales. »

Ou comment un ministre socialiste justifie l'exclusion politique des « Arabes » en faisant siens certains des arguments employés par les adversaires du suffrage universel aux XVIIIe et XIXe siècles pour exclure les classes pauvres des affaires publiques !
Si les circonstances sont assurément différentes, la logique argumentative est la même.

L'ordonnance du 7 mars 1944 a mis fin à la minorité politique des « indigènes » algériens avant que la loi Lamine Guèye, promulguée le 25 avril 1946, n'étende cette situation à l'ensemble des autochtones.
Tardive mais heureuse victoire de la liberté et de l'égalité ? Non.

L'instauration du double collège, dans les départements français d'Algérie notamment, a ruiné les effets de cette réforme en accordant à « 500 000 électeurs européens » une représentation identique à celle de « 3 millions d'autochtones » ou, « en se basant sur la population », on arrivait à ce que « 1 200 000 Européens [aient] le même nombre de représentants que 9 millions de musulmans », observe le professeur Gonidec en 1959.
L'égalité formelle est ici au fondement de l'iniquité et de la violation de principes démocratiques élémentaires puisqu'elle sanctionne la surreprésentation des premiers et la sous-représentation des seconds pour perpétuer la « prépondérance française », déclare Ferhat Abbas à la tribune de l'Assemblée nationale le 2 août 1946.

D'autres élus de l'Algérie coloniale vont dénoncer cette situation. Le « double collège » est « là pour nous rappeler que nous restons un peu intermédiaires entre le plein citoyen français et l'ancien sujet français que nous étions.
Inégalité choquante et aussi injustice flagrante dont nous sommes victimes ! », affirme le député Mohamed Bendjelloul. « Aussi est-ce avec tristesse, mais sans amertume, que nous relevons cette contradiction navrante entre un texte constitutionnel et celui d'une loi électorale. » « Mais hélas ! C'est toujours de l'Algérie qu'il s'agit, toujours terre d'exception et toujours soumise à des lois spéciales ! Nous avons dit que les musulmans algériens n'accepteront jamais d'être diminués dans leur dignité et dans leurs droits ; alors que la Constitution fait d'eux des citoyens libres et égaux en droits avec tous les habitants de l'Union française, la loi électorale réduit leurs droits, les classe en parents pauvres et les relègue, dans leur immense masse, dans un collège de second rang. »

Au mois d'août 1947, à l'Assemblée nationale toujours, Mohamed Bentaïeb revient à la charge pour mettre en garde ceux qui soutiennent cette organisation.

« La juxtaposition de ces deux collèges ne peut être, dans l'avenir, qu'une source de discussions et de conflits, déclare-t-il. Le musulman verra toujours dans la distinction que fait la loi électorale un état d'infériorité et de méfiance à son égard. Puisqu'on parle d'émancipation, le moins que nous puissions espérer, après tous les sacrifices consentis sur les champs de bataille, c'est que nous soyons aussi bien traités que les bénéficiaires de la loi Crémieux. Vous voulez faire deux classes différentes, établir une séparation, en un mot créer une race supérieure et une race inférieure. »

Ces protestations sans lendemain soulignent la permanence des discriminations et du racisme d'Etat destinés à perpétuer la domination des colons et l'intégrité de l'empire dans le cadre réformé de l'Union française.

Jusqu'en 1945, les « indigènes » furent soumis à une justice d'exception, sommaire, expéditive et soucieuse de châtier promptement ceux qui avaient affaire à elle. Bras armé de l'Etat colonial, qu'elle sert d'autant mieux qu'elle lui est inféodée — pendant longtemps, les magistrats exerçant en outre-mer furent privés de l'inamovibilité garantie à leurs homologues métropolitains —, cette justice aux ordres, caractéristique des régimes autoritaires et dictatoriaux, a pour mission essentielle de « frapper […] vite et fort » les « races primitives » auxquelles des peines spécifiques et souvent aggravées peuvent être appliquées, comme nous allons le voir.


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