Dakar. Nouvelles Editions africaines. 1982. 617 pages
Première Partie
L'équivoque féconde de l'Assimilation (1944-1951)
Le rôle joué par les parlementaires dans les diverses Assemblées, métropolitaines et locales, a été déterminant pour l'évolution de I'A.O.F. vers l'autonomie et l'indépendance. Mais leur action s'est appuyée, de façon inégale d'ailleurs, sur des organisations de masse. Ces partis locaux, pour la plupart, se retrouvèrent au niveau fédéral dans trois courants principaux.
« Il est indiscutable que le Congrès de Bamako, sa convocation sous forme d'un congrès de masse, son organisation et l'orientation de ses délibérations, ont dû beaucoup aux communistes qui y ont participé » 1. Cet aveu de Raymond Barbé, président du groupe communiste à l'Assemblée de l'U.F., fixe le point de départ du cheminement du R.D.A. avec le P.C.F. qui a duré quatre ans.
Doudou Guèye, un des fondateurs du R.D.A., a récemment analysé les rapports entre son Mouvement et le P.C.F. 2 : «Les Groupes d'Études Communistes (G.E.C.) étaient créés et animés par des intellectuels français communistes ou« communisants », au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Au sein des G.E.C. étaient dispensés des cours simplifiés de marxisme à des intellectuels, des syndicalistes, des cadres africains. Il en existait à Dakar, à Conakry, à Bamako, à Abidjan … De nombreux militants politiques africains de l'après-guerre se formèrent dans ces cercles et ne furent pas les derniers à répondre à l'appel du Rassemblement de Bamako. A cause de cela, on put croire que le R.D.A. avait entretenu des relations organisées et étroites, dès sa naissance, avec les G.E.C …. Il n'était pas seulement exagéré, il était inexact de penser que les G.E.C. marquèrent profondément le R.D.A. Ce fut le R.D.A. qui se servit de certains militants des G.E.C. pour donner à ses cadres une éducation et une formation qui semblaient répondre au départ à ses objectifs et à ses buts. Il y eut à ce sujet un grave malentendu, dont, très rapidement, le R.D.A. décela la nature, la gravité, et s'en dégagea. Il y avait, en fait, une incompatibilité irréductible entre les deux formations, dans leurs options fondamentales, leur démarche, leur manière d'éducation. Le R.D.A. eut raison de restituer à son action sa vocation première de libérer l'Homme Africain, d'abord, l'Homme tout court ensuite, et de refuser d'être un instrument anonyme dans le combat idéologique du communisme » 3.
Le partisan le plus déclaré des liens avec le P.C.F. fut Gabriel d'Arboussier, fils d'un gouverneur des colonies et d'une Peul de Djenné, ancien major de l'École Coloniale, orateur étincelant. Vice-président chargé de l'organisation, il présenta le 8 décembre 1947, au Comité de Coordination du R.D.A., le bilan d'un année d'action. Il s'agissait, sur le plan théorique, de préciser la doctrine du mouvement et de justifier les options prises; sur le plan pratique, d'organiser les sections territoriales. En mars 1947, six mois après Bamako, les statuts du Mouvement n'étaient pas encore déposés, les sections ne disposaient pas de documents valables. Le secrétaire général Fily Dabo Sissoko avait seulement transmis les résolutions adoptées à l'issue du Congrès.
Gabriel d'Arboussier effectua donc de mars à juillet 1947 une tournée pour rappeler à tous les militants les buts du R.D.A. :
Il commença par Dakar, car « le point de résistance essentiel se trouvait au Sénégal dont l'influence traditionnelle sur la politique de l'Afrique noire lui donnera encore une importance quasi-déterminante ». Gabriel d'Arboussier visita ensuite le Soudan, la Côte d'Ivoire et la Guinée 4. Il est nécessaire de citer longuement une analyse de Barbé. Elle permet de connaître le jugement que le P.C.F. portait sur le R.D.A. pendant sa période d'organisation. Le texte précise d'abord le rôle joué par les communistes dans la création du Mouvement et de ses sections :
« Le problème essentiel était la création dans chaque territoire d'Afrique noire de partis et mouvements de masse fondés sur l'union des différentes classes et couches de la population autochtone.
Or à ce moment-là, et du fait de l'extrême jeunesse politique des futurs cadres autochtones, s'est produit dans le mouvement naissant en Afrique noire la prééminence des camarades communistes français insuffisamment adaptés aux problèmes africains et dont l'activité était trop directement inspirée des principes et des méthodes appliqués dans les pays capitalistes, en France en particulier.
D'où une tendance dangereuse à faire jouer à la classe ouvrière, pourtant si faible encore, le rôle dirigeant dans le mouvement politique et, par conséquent, à donner à ce mouvement une orientation de classe trop accentuée, à en faire un appendice des organisations syndicales de salariés dans le domaine politique, à lui donner une teinture anti-bourgeoise et surtout anti-chefs.
Ce courant sectaire était la source des difficultés essentielles qu'il fallait surmonter à cette période. C'est à cela que les communistes se sont employés.
… Les communistes de Côte d'Ivoire ont poussé à la constitution d'un large parti démocratique qui a permis de ne pas laisser au seul syndicat des planteurs, organisation de la bourgeoisie indigène, le contrôle exclusif de la vie politique côtivoirienne.
Au Soudan, au Cameroun, au Moyen-Congo, les communistes ont été à l'origine de la constitution du premier parti démocratique sur une base d'ailleurs trop étroite et qu'il a fallu ultérieurement élargir.
En Guinée, ils se sont efforcés d'aider à la naissance d'un parti territorial prenant le pas sur les groupes ethniques régionaux dont l'orientation étroite est beaucoup plus directement inspirée par les cadres traditionnels du territoire.
Au Sénégal, ils ont dû lutter contre la tendance, parmi certaines couches d'Africains, que les méthodes colonialistes ont orienté vers l'assimilation, à la constitution d'un parti communiste trop directement inspiré des principes et des méthodes du Parti Communiste Français ».
Analysant ensuite l'essor d'une certaine bourgeoisie africaine, Barbé signalait le danger de ce qu'il appelait des « déviations droitières » :
« Il en résulte pour le mouvement national démocratique en Afrique noire, le risque de dévier vers un nationalisme étroit, en même temps que de sacrifier les intérêts des classes les plus pauvres et, par conséquent, les plus révolutionnaires, les plus décisives pour l'avenir du mouvement anti-impérialiste, aux intérêts des classes les moins exploitées qui sont susceptibles de faire le compromis avec l'impérialisme et d'aiguiller ainsi le mouvement anti-colonialiste vers une voie de garage.
Ainsi l'insuffisance criante, l'extrême timidité pour pousser en brousse parmi les paysans l'organisation du R.D.A., la non-constitution de sous-sections dans les villages avec leur vie démocratique propre, et l'incapacité qui en résulte d'entraîner les paysans dans les organismes de direction du R.D.A. à tous les échelons.
Ainsi la faiblesse générale de notre action revendicative en faveur des paysans qui se traduit dans la vie des différentes sections territoriales du R.D.A., et dans l'activité des élus du R.D.A. dans les diverses assemblées, etc., … tandis que passent au premier plan les revendications de la petite et moyenne bourgeoisie commerçante et artisanale.
… Ainsi la déviation excessive vers les formes d'action électorale et parlementaire, une certaine tendance au crétinisme parlementaire, des illusions réformistes, etc., toutes manifestations qui ont leur origine dans le manque de confiance dans les masses, dans la peur du mouvement des masses, bien caractéristiques des diverses couches de la bourgeoisie qui, par son essence même, n'est jamais révolutionnaire.
Cependant (pour remédier à cette situation), il ne nous paraît toujours pas souhaitable de reconsidérer la décision de ne pas constituer de Parti communiste en Afrique Noire. (Par contre) … il nous apparaît que, dans la situation actuelle, doit être réalisée une alliance plus étroite entre le R.D.A. et le P.C.F., alliance qui dépasse et domine le simple apparentement parlementaire existant depuis la constitution du R.D.A.
Certes, le R.D.A. n'a pas à se transformer en un parti communiste africain, mais en tant que mouvement anticolonialiste des masses africaines, il doit considérer avoir comme allié sûr dans sa lutte la classe ouvrière française et le Parti Communiste Français qui en est l'expression politique. Le rôle des G.E.C. doit être élargi tant par un fonctionnement plus régulier au chef-lieu de chaque territoire que par leur extension dans l'intérieur … » 5.
L'administration coloniale sévissait parfois contre les militants du G.E.C., qu'elle considérait comme responsables de l'agitation entretenue par certaines sections du R.D.A. Ainsi deux fonctionnaires métropolitains détachés à Bamako, Morlet, instituteur, et Fayette, des transmissions coloniales, furent remis à la disposition de leur administration d'origine en août 1947. Une délégation du R.D.A. intervint vainement, le 5 septembre, auprès du Haut-Commissaire Barthes « en faveur des camarades … démocrates trop sincères pour l'Afrique Noire » 6. Morlet revint comme délégué confédéral de la C.G.T. pour l'A.O.F. et l'A.E.F. Le 24 mars 1948, le Haut-Commissaire Béchard refusa de recevoir une délégation de l'Union des Syndicats conduite par Morlet. A la suite de ce refus, Morlet adressa une lettre aux membres les plus actifs de la section R.D.A. du Sénégal. Ce document est éclairant sur la tactique employée par les militants communistes :
« Interdiction de parler imprudemment au nom du parti dans les réunions syndicales et surtout à la Bourse du Travail.… Faire discrètement admettre dans la classe ouvrière que tous les employeurs (administration ou secteur privé) ne sont soucieux que d'augmenter leurs marges bénéficiaires … et que la conséquence (pour les travailleurs) se traduit par des salaires de misère, parfois même de famine.
… Il faut que notre propagande soit axée sur la création chez le salarié de l'aigreur constante contre son patron et comme celui-ci est, dans le cas général, un Blanc, et l'autre un Noir, il faut faire oublier ou même ignorer qu'il s'agit de vieux conflit entre employeurs et employés pour ne laisser voir que deux épidermes en présence. Cette équivoque doit être entretenue périodiquement par nous » 7.
A la réunion du Comité de Coordination du R.D.A., le 2 octobre 1948, à Dakar, Gabriel d'Arboussier présenta un très long rapport qui reproduisait des passages entiers de la circulaire du 20 juillet de Raymond Barbé. Pour le vice-président du R.D.A., le Mouvement n'avait plus en face de lui que les forces de la réaction dirigée par le R.P.F., le mouvement socialiste était en pleine dislocation. Le rapport rappelait le but précis du R.D.A. :
« L'émancipation de nos divers pays du joug colonial par l'affirmation de leur personnalité politique, économique, sociale et culturelle, et l'adhésion librement consentie à une union de nations et de peuples, fondée sur l'égalité des droits et des devoirs ».
Suivaient une longue justification de l'apparentement au Parti communiste et une analyse politique émaillée de longues citations de Lénine et de Staline. G. d'Arboussier proposait deux objectifs : l'un en Afrique noire :
« C'est l'action de masse qui est la forme essentielle de lutte … Le R.D.A. doit être l'agent inlassable de regroupement de toutes les masses africaines dans leur lutte contre le colonialisme et l'impérialisme»
le second objectif, en Métropole, était la constitution d'un
« véritable gouvernement d'union démocratique et anticolonialiste, s'appuyant à la fois sur les ouvriers et les démocrates français de toutes conditions et sur les peuples d'O.M., car ce renversement de la politique gouvernementale est la condition primordiale de la reprise de notre marche en avant vers la liberté et le progrès » 8.
Malgré l'absence d'Houphouët-Boigny à cette réunion du Comité de Coordination, il fut décidé de convoquer, pour la fin de l'année, à Bobo-Dioulasso, le 2e Congrès interterritorial du Mouvement.
Lorsque, vers la mi-novembre, les dirigeants de la section de Bobo-Dioulasso s'adressèrent à l'administrateur-maire Rouvillois pour l'informer de la tenue du Congrès et prendre avec lui les dispositions nécessaires, Rouvillois refusa l'autorisation d'édifier une salle de réunion provisoire et voulut imposer la construction d'un immeuble en dur qui serait démoli le lendemain du Congrès … Cela revenait à interdire la réunion. Alertés, le ministre de la F.O.M. et le Haut-Commissaire Béchard affirmèrent que l'autorité locale était habilitée à prendre une telle décision.
Et de fait, le gouverneur Mouragues, s'appuyant sur un arrêté pris le 13 décembre 1935 par le préfet du Bas-Rhin pour interdire une réunion pronazi (!), refusa l'autorisation de tenir le Congrès à Bobo-Dioulasso : il estimait ne pas avoir les moyens de maintenir l'ordre alors que les adversaires du R.D.A. menaçaient de troubler la réunion 9.
Malgré une interpellation d'Houphouët-Boigny à l'Assemblée nationale le 7 décembre, l'interdiction fut maintenue. Il fut donc décidé de tenir quand même le Congrès, mais à Treichville, un faubourg d'Abidjan.
Le Congrès proprement dit fut précédé par la tenue de la première école des cadres du Mouvement. Ce fut l'occasion pour Gabriel d'Arboussier de prononcer un discours d'ouverture sans équivoque :
« Je veux saluer tout particulièrement nos amis du Parti Communiste Français qui marquent une fois de plus leur haute conscience de la solidarité du peuple de France et des peuples d'Afrique, en acceptant de nous faire bénéficier, dans la tenue de cette école, de la grande expérience du grand parti de la classe ouvrière française, du grand parti du peuple de France qui domine chaque jour davantage la scène politique française et s'impose à tous comme le champion de la démocratie, de l'indépendance nationale française et de la solidarité internationale des peuples.
… La question essentielle à nous poser est la suivante : quels sont dans le domaine politique et économique les meilleurs maîtres à l'école desquels nous devons nous former ? Camarades, il ne fait pas de doute pour moi que ces maîtres sont ceux du socialisme scientifique … Nous devons aller hardiment vers ces maîtres de la pensée prolétarienne qui sont l'avant-garde de l'humanité progressiste. Nous devons· aller hardiment vers Marx, vers Engels, vers Lénine, vers Staline qui est aujourd'hui leur continuateur génial, Staline le maître incontesté des problèmes nationaux et des questions coloniales qui sont précisément nos problèmes et nos questions-clés ».
Le Congrès se tint du 2 au 6 janvier 1949, en présence des délégués de onze territoires, de plusieurs parlementaires et journalistes métropolitains, appartenant tous au P.C.F. ou apparentés. Il y eut, outre le rapport moral du président Houphouët-Boigny, onze autres rapports :
Après les travaux en commission, le Congrès adopta le 6 janvier au matin une série de résolutions très détaillées sur toutes les questions abordées. La résolution politique exprimait la foi du Congrès
« dans l'alliance des peuples d'Afrique noire et du grand peuple de France qui, avec à sa tête sa classe ouvrière et son parti communiste, lutte avec courage et confiance pour son indépendance nationale contre l'impérialisme américain. Dans l'esprit de cette alliance, le Congrès affirme sa volonté de tout mettre en oeuvre pour aider à la constitution d'un gouvernement d'union démocratique et anti-colonialiste s'appuyant à la fois sur les démocrates français de toutes conditions et sur les peuples d'O.M. ».
Un nouveau Comité de Coordination fut élu. Félix Houphouët-Boigny restait président. Gabriel d'Arboussier y occupait le poste clé de secrétaire général politique 10. Quatre mois plus tard, le Mouvement disposait de l'organe de presse qui lui manquait pour sa lutte :
« L'hebdomadaire « Réveil » a été fondé à Dakar par la Fédération de l'A.O.F. du Mouvement Unifié de la Résistance (M.U.R.) et placé sous la direction de Charles Guy Etcheverry. Ce dernier, dans le contrat de société, s'était réservé la propriété du journal, en cas de dissolution de l'Association, qui eut lieu en 1946. A partir de cette date l'hebdomadaire devint organe personnel de M. Etcheverry. Ce dernier donna son adhésion en octobre 1946 au premier Congrès du R.D.A., mais, déçu de ne pas être retenu comme candidat aux élections législatives, n'adhéra pas au R.D.A. régulièrement constitué. Mais en démocrate sincère, il fut convaincu de la justesse de la ligne politique du R.D.A. et prit peu à peu position dans la lutte anti-colonialiste. Un premier accord fut alors conclu entre lui et Gabriel d'Arboussier qui donna naissance à la page du R.D.A. sous le titre « La voix du R.D.A. ».
Cet accord dura jusqu'au 15 avril 1949 où un contrat régulier fut passé entre M. Etcheverry et Gabriel d'Arboussier. D'après ce contrat, Gabriel d'Arboussier devient majoritaire du capital social (51 %) de « Réveil » et se trouve exercer la direction de la publication de l'organe » 11.
De l'évolution du R.D.A. pendant cette période, Doudou Guèye a donné l'explication suivante :
« La mentalité (des intellectuels et des cadres) était déjà différente de celle de la masse des militants. Installés, même inconsciemment, dans une philosophie de la “conscience de soi”, ils se laissaient gagner par l'idéologie communiste qui privilégiait la lutte pour la lutte, la critique systématique pour la critique. Au fil de ces années donc, dans le feu d'une action admirable et exaltante, un clivage sépara les intellectuels et les cadres du Mouvement des centaines de milliers de membres de la base. Les uns et les autres, tout en rivalisant de courage, de dévouement et de désintéressement, n'étaient plus motivés de la même manière, ni par les mêmes raisons profondes.
Les étapes principales de ce tragique malentendu furent la réunion du Comité de Coordination tenue à Dakar en 1948 et le 2e Congrès du R.D.A. tenu à Treichville du 1er au 6 janvier 1949. Ces deux réunions furent déterminantes dans l'orientation du Mouvement. Au cours de ces réunions dominées et dirigées par les intellectuels et les cadres, ceux-ci renoncèrent à préciser une doctrine politique propre au R.D.A., à définir sa stratégie et la tactique de sa lutte et de son action. Ils tournèrent le dos à la vocation première du R.D.A. qui était de libérer l'Africain de toutes les servitudes, de toutes les aliénations. Entraînés par le Parti Communiste Français, les intellectuels et les cadres entreprirent une démarche diamétralement opposée à celle de la masse des militants et des membres » 12.
Le R.D.A. faillit sombrer dans cette phase de lutte anti-colonialiste violente. C'est en Côte d'Ivoire et dans la Haute-Volta reconstituée, particulièrement dans sa partie ouest, qu'eurent lieu les principaux affrontements entre le R.D.A. et une administration coloniale décidée à saisir les occasions de démanteler le Mouvement.
Par un accord du 12 juillet 1946, le R.D.A. et le Parti progressiste avaient décidé de « conjuguer leurs efforts en vue des intérêts supérieurs de la Côte d'Ivoire… tout en conservant leur indépendance politique » 13. Le 24 novembre 1946, un Congrès, tenu à Treichville, donna naissance officiellement au Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, section du R.D.A. Les nombreuses associations ethniques existant en Côte d'Ivoire servirent de cellules de base pour l'organisation du parti. La transmission des mots d'ordre et le placement des cartes se faisaient plus aisément à l'intérieur de ces unités homogènes 14.
Par contre, les relations entre le jeune P.D.C.I. et le vieux Syndicat Agricole Africain de Côte d'Ivoire (S.A.A.C.I.) se détérioraient. Il fallut « faire rentrer (le syndicat) dans le rang en le cantonnant de plus en plus dans ses attributions purement économiques de défense des intérêts des planteurs » 15.
Les élections au Conseil général furent, nous l'avons dit, un large succès pour les listes patronnées par le R.D.A.
Mais bientôt l'atmosphère s'alourdit. Des rumeurs alarmistes coururent dans les milieux européens. Et de sa propre initiative, le colonel Boisseau, commandant les troupes de Côte d'Ivoire, se basant sur une interprétation hasardeuse de faits isolés, fit distribuer des armes aux officiers et sous-officiers, sous prétexte que des émeutes anti-européennes auraient sans doute lieu pendant des fêtes de la fin de l'année 1946. Le gouverneur Latrille démentit et le colonel Boisseau fut déplacé.
Le premier incident grave éclata à Abengourou. En 1945, Latrille avait destitué le chef traditionel des Agni, Essey Bonzou, coupable de plusieurs délits. Le chef destitué était parti au Ghana avec ses partisans, le trésor et les chaises royales (symboles de l'autorité coutumière). Il avait été régulièrement remplacé par Amoakon Dihyé, qui se trouvait être le beau-frère d'Houphouët-Boigny. Le 3 février 1947, Latrille, en tournée en Haute-Côte, avait reçu un télégramme le rappelant à Paris pour consultation. En revenant à Abidjan, il fit escale à Abengourou le 7 février. Une manisfestation en faveur du retour d'Essey Bonzou dégénéra le lendemain, les policiers ouvrirent le feu pour protéger le gouverneur, il y eut six morts et douze blessés 16. Latrille ne revint plus en Côte d'Ivoire. Et finalement, sur intervention du sénateur Marc Rucart, Essey Bonzou fut rétabli en juin 1949.
Le départ de Latrille sema le désarroi dans le P.D.C.I. Le gouverneur et son chef de cabinet, Lambert, avaient apporté un appui précieux au Parti. Les dirigeants de celui-ci n'avaient pas pris la précaution de s'organiser en vue du départ de leurs protecteurs. Le P.D.C.I. avait seulement un modeste bureau en location, un seul secrétaire permanent et pas de véhicule 17.
Un différend au moment de l'élection des sénateurs, l'apparentement des parlementaires R.D.A. au groupe communiste et finalement l'affaire d'Abengourou provoquèrent le divorce avec le Parti Progressiste qui reprit sa liberté le 9 mai 1947.
Lorsque le P.D.C.I. tint son Congrès à Abidjan du 27 au 31 octobre 1947, un important travail d'organisation avait été fait : « Le R.D.A. était partout et tenait les leviers de commande », ayant mis sur pied une « administration parallèle » 18. Le parti annonçait alors 71 sections et 271 000 adhérents. Au cours du Congrès, des appels au calme furent lancés, « chacun étant invité à travailler la main dans la main avec l'administration, à cultiver au-delà des besoins, à intensifier la production et le travail sur les routes » 18.
Les élections partielles du 30 mai 1948 furent encore un succès pour le P.D.C.I. qui enlevait les 12 sièges. Mais à Gagnoa, Adrien Dignan Bailly, dirigeant socialiste, eut la majorité, soutenu par les Bété en réaction contre « la dictature Baoulé ».
Le développement du R.D.A. inquiétait l'administration. Le gouverneur Orselli avait des difficultés avec le Conseil général. Le ministre Coste-Floret envoya à Abidjan le gouverneur Laurent Péchoux avec la mission de démanteler le parti.
Le premier affrontement ne tarda pas. Le sénateur Djaument n'avait pas été reconduit par le R.D.A. lors du renouvellement partiel du Conseil de la République. Il démissionna du Parti et lança le 30 janvier 1949 un Bloc Démocratique Eburnéen opposé au P.D.C.I. Il voulut expliquer sa position le 6 février lors d'un meeting tenu à Treichville en présence de plusieurs dirigeants du Parti progressiste. Les partisans du P.D.C.I. voulurent troubler la réunion. Dans les désordres qui suivirent, il y eut un mort, plusieurs blessés et des maisons détruites. Ce fut l'occasion pour l'administration d'arrêter plusieurs dirigeants du P.D.C.I. : Bernard Dadié, Jean-Baptiste Mockey, Mathieu Ekra, Albert Paraïso, Philippe Vieyra, René Séry Koré, Lama Camara, Jacob William, qui furent incarcérés à la prison de Grand-Bassam.
Le 27 février 1949, une importante colonne militaire encercla le petit village de Koumbala (appelé aussi Pallaka), près de Ferkessédougou. Le chef de village, Sikaki Yéo, refusait depuis deux ans de payer une dette de 5 000 F.
Y eut-il rébellion (selon l'Administration) ou attaque délibérée par l'armée (selon le R.D.A.) ? L'opération fit quatre morts et plusieurs blessés.
Dans« Réveil », hebdomadaire du R.D.A., Doudou Guèye avait dénoncé le 13 juin les méthodes du gouverneur de la Haute-Volta, Albert Mouragues. La semaine suivante, il raconta les événements de Pallaka. Le 24 juillet 1949, au cinéma Comacico de Treichville, Houphouët-Boigny reprenait les termes de ce dernier article et affirmait qu'« une femme et son bébé avaient été assassinés ».
Le Procureur général de Montera demanda la levée d'immunité parlementaire de Gabriel d'Arboussier, directeur de publication de« Réveil», pour les articles contenant « des fausses nouvelles » et « des accusations diffamatoires » 19 et celle de Félix Houphouët-Boigny à cause des accusations portées en public 20.
Ces demandes n'eurent pas de suite et la seule victime de l'opération fut Doudou Guèye, condamné en appel le 8 mars 1950 à 3 mois de prison et 50 000 F d'amende pour le premier article et le 17 août 1950 à deux ans de prison et 300 000 F d'amende pour le second. Il fut incarcéré dès le 23 août 1950.
L'administration s'efforçait de provoquer au sein du R.D.A. des démissions, plus faciles à obtenir de la part des chefs, inquiétés par l'allure de plus en plus violente de l'affrontement entre le parti et les autorités. Une Fédération socialiste (S.F.I.O.) avait été créée le 22 août 1948 à Abidjan avec Guirandou Ndiaye comme secrétaire fédéral, Adrien Dignan Bailly étant son adjoint. Des dissidents de la région de Bouaké avaient fondé une Union des Indépendants de la Côte d'Ivoire. Le 12 décembre 1949, le journal « Côte d'Ivoire » publia le manifeste d'une Entente des Indépendants de Côte d'Ivoire, dont les dirigeants étaient le Grand Conseiller Sékou Sanogo, et Y oro Sangaré, président de la commission permanente du Conseil général.
Dix mois après les événements de Treichville, les inculpés étaient toujours en prison à Grand-Bassam et n'avaient pas été jugés. Ils commencèrent le 12 décembre 1949 une grève de la faim. Pour soutenir leur revendication, le R.D.A. décida une grève d'achat de toutes les marchandises d'importation du 15 au 31 décembre, pendant les fêtes de fin d'année, ce qui ne manqua pas de causer un préjudice grave aux commerçants européens. Le 22 décembre, des milliers de femmes, entourant les épouses des prisonniers, convergèrent à pied sur Grand-Bassam 21. Un affrontement sanglant fut évité, mais le geste eut de profondes répercussions, notamment en Métropole où de nombreux mouvements progressistes organisèrent des manifestations de soutien.
Toute la Basse-Côte fut bientôt en ébullition. Il y avait déjà eu des incidents en octobre à Grand-Morié (Agboville). A partir du 16 décembre et jusqu'au mois de février, les troubles touchèrent de nombreuses localités, notamment Zuénoula, Séguéla, Daloa, Issia, Assaoufove (Bongouanou), Bouaflé, Toumodi, Affery (Agboville), Sinfra, Agboville, Boudépé (Agboville).
Presque toujours, le prétexte des incidents était léger : interdiction de tam-tam, réglementation de marché, boycott d'un commerçant, dispute dans un cabaret. Cela entraînait des représailles contre les adversaires du R.D.A., des manifestations autour des prisons et des bureaux administratifs et parfois des affrontements violents avec la police ou même l'armée appelée en renfort.
Les événements les plus graves eurent lieu à Bouaflé le 22 janvier (3 morts), Dimbokro le 30 janvier (13 morts), à Séguéla le 2 février (3 morts). A ces morts, s'ajoutaient des dizaines de blessés et des centaines d'arrestations.
Dans ce climat, le pire aurait pu arriver si Houphouët-Boigny avait été arrêté comme cela faillit se produire. A la suite des événements sanglants de Bouaflé, le président du R.D.A. se rendit sur place le 23 janvier 1950 pour y faire son enquête. Le 24 dans la soirée, il se trouvait dans une concession avec Zoro-bi-Tra, secrétaire de la sous-section locale, dont l'altercation avec le commerçant Sékou Baradji avait été à l'origine des incidents. Le substitut Pautrat se présenta à la porte pour arrêter Zoro-bi-Tra et se trouva en face d'Houphouët-Boigny. Décontenancé, il n'eut pas de réflexe d'arrêter le député aussitôt, en flagrant délit de recel de malfaiteur. Il se contenta de prendre copie des notes qu'il trouva dans la serviette du parlementaire et de procéder à l'arrestation de Zoro-bi-Tra.
Ce n'est que le lendemain soir que Pautrat se décida à se rendre, avec un fort détachement militaire, à Yamoussoukro où le président du R.D.A. avait regagné sa demeure familiale. Mais il faisait noir lorsqu'il arriva à la maison et il n'osa pas forcer la résistance du gardien. Il repartit donc sur Bouaflé, rédigea une réquisition aux fins de délivrance d'un mandat d'arrêt que le juge d'instruction Thuillier lui remit le lendemain, tout en informant le procureur par télégramme.
Dans la soirée du 26, Pautrat, accompagné cette fois de deux inspecteurs seulement, se présenta de nouveau chez Houphouët-Boigny pour lui signifier son arrestation. Le député fit fermement remarquer au jeune magistrat que l'exécution de son mandat d'arrêt ne manquerait pas d'avoir des conséquences désastreuses et que des violences se produiraient dans tout le pays. Le substitut se retira en demandant à Houphouët-Boigny de se présenter lui-même à Bouaflé devant le procureur. Mais celui-ci avait reçu de Dakar l'ordre d'arrêter les poursuites et le mandat d'arrêt ne fut pas exécuté.
Dans les premiers jours de février 1950, la situation était assez grave pour justifier le déplacement à Abidjan du Haut-Commissaire Béchard, accompagné du général Borgnis-Desbordes (!?), commandant supérieur des troupes de , du Procureur général de Montera et du gouverneur secrétaire général Chauvet.
[Note. — S'il s'agit de Gustave Borgnis-Desbordes, cet officier général vécut au 19e siècle (1839-1900) ! — Tierno S. Bah]
En France, les événements de Côte d'Ivoire avaient eu un grand retentissement. A l'Assemblée de l'U.F., plusieurs débats eurent lieu le 31 janvier, les 9, 10 et 14 février. L'Assemblée nationale se saisit de l'affaire et le 3 mai 1950 désigna une commission d'enquête parlementaire présidée par J.J. Juglas. La commission recueillit documents et témoignages du 31 mai au 15 août 1950. Toute cette documentation fut publiée en annexe des débats parlementaires 22 mais le rapport proprement dit ne fut jamais déposé.
Un autre événement tragique marqua cette période : la disparition du sénateur ivoirien Biaka Boda. Chargé de porter un document de Yamoussoukro à Abidjan où se trouvait Gabriel d'Arboussier, il fut contraint, à la suite d'une panne de voiture à quelques km de Bouaflé, de se rendre à pied dans la nuit jusqu'au village où il aurait été hébergé par l'almamy. Celui-ci semble avoir signalé la présence du sénateur à l'autorité administrative. Des restes furent retrouvés dans la forêt au mois de juillet suivant. Le parlementaire aurait été tué par les Alaouites, ces légionnaires syriens qui avaient été envoyés en Côte d'Ivoire pour y rétablir l'ordre 23.
Cette période trouva partiellement un épisode judiciaire : le 4 mars 1950, sept inculpés des événements de Pallaka furent condamnés à des peines de prison. Le 23 mars, les principaux accusés de l'affaire de Treichville se voyaient infliger des peines de trois à cinq ans de prison. Mais le 22 octobre 1950, il restait encore 274 détenus à la prison de Grand-Bassam.
Dans la Haute Côte d'Ivoire, une certaine opposition se manifesta toujours entre l'Est, habité par le groupe mossi, fortement encadré par une chefferie aux pouvoirs étendus, et l'Ouest, occupé par plusieurs ethnies, dont les cellules de base (familles, villages) jouissaient d'une plus grande autonomie par rapport à la hiérarchie traditionnelle. C'est dans la région de Bobo-Dioulasso qu'eurent lieu les réactions les plus hostiles à l'administration coloniale. C'est aussi dans cette région que le R.D.A. remporta le plus de succès.
Les abus de certains chefs, qui recrutaient des travailleurs pour leurs champs et ne les payaient pas, avaient provoqué du mécontentement. Le 6 février 1946, la population du village de Kourouma, dans le canton de Séguédougou, souffrant de la famine, voulut prendre le mil des greniers de réserve qui se trouvaient à l'extérieur de la concession du chef. Celui-ci n'hésita pas à donner à ses gardes l'ordre de tirer sur la foule. Il y eut six morts et plusieurs dizaines de blessés. L'administrateur, qui avait laissé pourrir la situation, réagit alors avec brutalité. Il envoya une colonne de plus de 200 hommes, accompagnée du commissaire de police et du juge de paix, qui procédèrent à plusieurs centaines d'arrestations, dont 260 furent maintenues ! Lorsque le gouverneur Latrille fut informé des incidents, l'administrateur fut déplacé ; le chef, suspendu, fit l'objet de poursuites judiciaires 24.
Trois mois plus tard, à Bobo-Dioulasso, le renvoi d'un chauffeur provoquait le 18 décembre 1946, une grève dans deux établissements commerciaux ; deux meneurs furent arrêtés pour atteinte à la liberté du travail et jugés selon la procédure de flagrant délit. Le 20 décembre, plus de 1 500 travailleurs, massés devant le tribunal, commencèrent à molester les véhicules administratifs. La police intervint ainsi que le député Ouezzin Coulibaly qui invita la foule à se disperser, évitant ainsi des troubles plus graves 25.
L'administration soupçonnait la section de Bobo-Dioulasso du C.E.F.A., créée en 1945, d'être à l'origine de cette agitation, d'autant plus que les dirigeants en étaient sénégalais. Aussi la section fut-elle dissoute. Le Parti Démocratique prit la suite, mais préconisa une attitude de collaboration avec l'administration 26.
L'agitation reprit, après la reconstitution du territoire de la Haute-Volta, à l'occasion des premières élections au Conseil général. Les autorités civiles et religieuses de l'Est craignaient les mauvaises influences de l'Ouest. L'évêque catholique de Ouagadougou, Mgr Johanny Thévenoud, qui jouissait d'une très grande autorité, publia le 3 mai 1948 une lettre pastorale dans laquelle il mettait ses fidèles en garde contre des gens qui, « sans avoir rien réalisé en votre faveur, vous promettent cependant le paradis sur terre et se présentent à vous comme les bienfaiteurs de votre race : c'est le communisme … N'a-t-il pas lancé un mouvement politique, qui, sous prétexte de rassembler les éléments démocrates africains, cache ses visées réelles : l'introduction du matérialisme athée ».
Nous avons dit plus haut les moyens mis en oeuvre par l'administration pour faire élire une assemblée favorable à la colonisation. Le gouverneur pouvait se féliciter des résultats :
« L'échec du 27 juin 1948 a été pour le R.D.A. un coup très dur. Il perd du terrain dans les régions réputées pour être sous sa coupe (Po, Léo, Nouna, Tougan, Boromo, Dédougou) et voit ses troupes se débander au coeur de son fief (Bobo, Banfora, Gaoua) … Pour ramener l'espoir il entreprend une campagne : autonomie de la région Ouest-Volta Noire ou rattachement à la Côte d'Ivoire » 27.
Effectivement les leaders du R.D.A. multiplièrent les tournées dans la région pendant les derniers mois de 1948. Le gouverneur Mouragues fit, de leurs activités, une description dramatique :
« Le ton des orateurs (Houphouët-Boigny, Ouezzin Coulibaly, Raymond Barbé) a créé une atmosphère telle qu'un conflit grave a surgi entre les tenants du R.D.A. et les tenants de l'Union Voltaïque, qui n'a pu être évité que grâce à une mobilisation complète de toutes les forces de sécurité et aussi grâce à la chance … Je rappelle pour mémoire les propos extrêmement violents tenus par M. le député Ouezzin Coulibaly contre l'administration française et contre le chef du territoire à Bondoukuy le 25 octobre. Je cite encore le discours du même parlementaire à Safané le 28 novembre 1948, les voies de fait sur le chef Nazi Bonzi, du village de Kosso, et l'expulsion de son village par la section R.D.A., ayant entraîné l'arrestation dramatique, puis la condamnation des coupables, les excitations provoquées, du 2 au 6 décembre, contre le chef du territoire par le conseiller général R.D.A. Daouda Diallo durant la tournée du gouverneur dans le cercle de Gaoua, l'excitation de la population de Banfora dans la nuit du 10 au 11 décembre par le R.D.A., en vue de faire libérer les délinquants, et la prise à partie du juge de paix à compétence étendue de Bobo-Dioulasso, par la section R.D.A. de Banfora » 28.
Ces troubles donnèrent au gouverneur l'occasion d'interdire la tenue du Congrès interterritorial à Bobo-Dioulasso (cf. p. 107)
Malgré cela, les incidents ne cessèrent pas. Le plus grave eut lieu à Ouahabou, à 20 km de Boromo. Depuis longtemps une opposition existait entre le chef Yaya Karantao, coupable de nombreux abus, et son oncle M'Passanago, président du Comité R.D.A. du village. Après plusieurs escarmouches, des désordres plus graves éclatèrent le 21 janvier 1949, à l'occasion du marché. L'administrateur Garat intervint avec ses gardes et opéra une quarantaine d'arrestations. La mort suspecte d'un homme, peu de temps après, fut mis au compte du R.D.A. L'affaire fut jugée le 12 juin 1950 ; il y avait 26 inculpés dont, selon l'acte d'accusation, 18 étaient passibles de la peine de mort : il y eut 10 condamnations à 5 ans de travaux forcés et 6 condamnations à des peines de prison ferme. Tous les condamnés appartenaient au R.D.A.
Cette situation provoqua une motion adoptée le 7 février 1949 par le comité directeur de la section R.D.A. de Haute-Volta contre « la politique terroriste du gouverneur Mouragues et de ses hommes de main », motion signée par le secrétaire général François Vinama.
La condamnation à 18 mois de prison ferme pour outrages à magistrat qui frappa le conseiller général Malo Traoré quelques jours plus tard provoqua une nouvelle motion de protestation adoptée le 15 février 1949 par la section de Bobo-Dioulasso du R.D.A.
Le 5 juin 1949, c'est un autre conseiller général du R.D.A., Charles Nignan, qui était inculpé de délit d'opposition à l'exercice des fonctions des douaniers et de délit d'outrages par la parole à un dépositaire de l'autorité publique 29.
Le parti de l'Union Voltaïque, violemment opposé au R.D.A., bénéficiait évidemment des faveurs de l'administration. Néanmoins dans le premier numéro de son mensuel « La Volta » lancé en juin 1949, ses membres affirmaient, sous la plume de Paul Nikyéma, n'être ni « les pages de l'administration »,ni« les valets de la sacro-sainte Russie ».
La Guinée avait envoyé une forte délégation au Congrès de Bamako, délégation formée surtout de membres des associations ethniques. Ces délégués se retrouvèrent le 14 mai 1947 pour former le bureau provisoire de la section guinéenne du R.D.A., qui prit le nom de Parti Démocratique de Guinée (P.D.G.). Son leader lui-même reconnut que
« de 1947 à 1950, le P.D.G., insuffisamment organisé, fut une cible rêvée pour le régime colonial qui multiplia contre lui les pressions, la corruption, les intimidations et la répression … Le P.D.G. loin de se développer, se désagrégeait » 30.
En octobre 1948, la dernière association ethnique, l'Union du Mandé du député Mamba Sano, quittait le R.D.A. Le 28 juin 1949, tous ces groupes régionaux, Union du Mandé, Union Forestière, Amicale Gilbert Vieillard, Comité de Rénovation de Basse-Guinée, formaient un Comité d'Entente Guinéenne, dont les deux objectifs principaux étaient la lutte contre le R.D.A. et le respect des traditions.
Au Sénégal, la section locale du R.D.A. se forma, sous le noms d'Union Démocratique Sénégalaise (U.D.S.), autour du G.E.C. et du C.E.F.A. d'Angrand et de Corréa. Le 23 octobre 1948, l'U.D.S. proposait l'union aux membres du parti socialiste qui s'apprêtaient à suivre Senghor dans son schisme. De nouveau, en avril 1949, l'U.D.S. proposa au Bloc Démocratique Sénégalais naissant la fusion des deux partis, ou au moins l'unité d'action. La lettre était signée par le secrétaire général Doudou Guèye, et son adjoint, J.-F. Corréa, et les trois secrétaires, Joseph Mbaye (propagande), Sellé Guèye (organisation) et Gérard Cauche (administration). L'alliance alors conclue fut éphémère. Le 17 septembre 1949, Ouezzin Coulibaly prononça à Thiès un discours dans lequel il attaqua Senghor et « l'attitude réactionnaire des Indépendants d'O.M. ». La réponse de Senghor, quelques jours plus tard, fut le signe de la rupture sur le plan local.
Au Niger, le Parti Progressiste Nigérien (P.P.N.) avait été fondé en 1946 et plusieurs de ses membres étaient au Congrès de Bamako. Mais ce n'est que dans le courant d'octobre 1947 que le P.P.N. devint section locale du R.D.A. Un jeune fonctionnaire, Bakary Djibo, était arrivé à Niamey en septembre. Sous son impulsion et celle de Courmo Barcougne, de Saïfoulaye Diallo (alors fonctionnaire à Niamey), du sénateur Djibrilla Maïga, l'adhésion au R.D.A. fut décidée 31.
Le Soudan avait abrité le Congrès constitutif du R.D.A. Gabriel d'Arboussier pouvait écrire, six mois plus tard :
« En mars 1947, seule l'Union Soudanaise (U.S.) constituait une véritable section R.D.A., ayant ses statuts, treize cadres, et réalisant un travail politique sérieux … L'U .S. trouvait en face d'elle une organisation hostile composant avec l'administration et disposant ainsi de moyens de propagande importants … J'insiste sur la valeur de certains cadres, qui a été déterminante pour le progrès du mouvement… Modibo Keita, qui avait déjà révélé ses qualités d'organisateur à Sikasso, confirme de façon éclatante sa capacité politique comme secrétaire général… Les fractions diverses, qui s'étaient regroupées au sein de l'U.S. au lendemain du Congrès de Bamako, devenaient une organisation vraiment démocratique, permettant d'éliminer toutes les tentatives de politique personnelle » 32.
Les absences prolongées de Fily Dabo Sissoko et le manque de dynamisme des dirigeants du P.S.P. laissaient le champ libre à l'U.S. qui continuait à recruter des adhérents et à s'organiser dans tout le pays.
Le député du Dahomey, Marcellin Sourou Migan Apithy, avait signé le manifeste du R.D.A., il était présent au Congrès de Bamako, il avait adhéré au groupe parlementaire de l'U.R.P., apparenté au groupe communiste. Les statuts de l'Union Progressiste Dahoméenne (U.P.D.) avaient été publiés dès le 1er août 1946 au J.O. du Dahomey, mais le Parti tint son congrès constitutif seulement le 5 avril 1947, au Palladium de Cotonou. Les liens du R.D.A. avec le P.C.F. étaient aux yeux de l'administration, mais aussi à ceux des missionnaires catholiques particulièrement influents au Sud du Dahomey, un vice rédhibitoire. Aussi, malgré les efforts déployés par Alexandre Adandé, venu de Dakar en congé en septembre 1947, seule la section de Porto-Nova connut quelques succès. En avril 1948, Ouezzin Coulibaly vint faire des conférences à Cotonou et à Porto-Nova. Depuis le 15 mars, une lettre d'Augustin Azango, président du Comité directeur de l'U.P.D., avait précisé la position du parti à l'égard du R.D.A. : autonomie de l'U.P.D. par rapport à tous les partis métropolitains, collaboration impossible avec le R.D.A. à cause de ses attaches avec le Parti communiste, faculté d'adhésion individuelle, à titre personnel, des membres de l'U.P.D. au R.D.A. Le 18 avril, le Comité directeur de l'U.P.D. mit Apithy en demeure de démissionner du R.D.A. De son côté, Ouezzin Coulibaly le pressait de démissionner de l'U.P.D. et avait déjà préparé la lettre … Apithy refusa de signer et fut par la suite exclus du R.D.A. 33.
Depuis octobre 1946, le Parti socialiste, fortement implanté au Sénégal, au Soudan et en Mauritanie, était le seul mouvement interterritorial à s'opposer au R.D.A., mais son unité n'était qu'apparente.
De passage à Dakar en mars 1947, Gabriel d'Arboussier avait noté « la division voilée, mais réelle entre Lamine Guèye et Senghor, les divisions entre socialistes au Conseil général, entre socialistes et indépendants, la division à Kaolack au sein même du parti S.F.I.O. entre des fractions d'intérêts personnels … La Fédération socialiste est partagée entre les unionnistes prêts à venir au R.D.A. et les “jusqu'au boutistes” qui sont prêts même à employer des moyens violents » 34.
Le premier craquement eut lieu au Congrès qui se tint le 21 septembre 1947 à Kaolack.
« Tandis que la direction du parti entend maintenir une centralisation très ferme dans l'organisation locale de la S.F.I.O., Senghor, soutenu par une minorité de délégués, se prononce pour une décentralisation qui permettrait aux différentes régions géographiques, économiques et même ethniques du Sénégal d'avoir une représentation effective. Il est battu, mais il obtient l'autorisation de fonder un journal, différent de celui de la S.F.I.O., L'A.O.F., où il pourra exposer ses idées: ‘Condition humaine’ » 35.
L'hégémonie de Lamine Guèye et de son état-major dakarois était trop forte pour que la situation puisse être modifiée de l'intérieur du parti. Le 27 septembre 1948, Léopold Sédar Senghor adressa des lettres de démission simultanément à Guy Mollet, secrétaire général du Parti socialiste S.F.I.O. de France, et à Amadou Babacar Sarr, secrétaire général de la Fédération sénégalaise. Peu de temps après, annonçant la formation du Bloc Démocratique Sénégalais (B.D.S.), il commentait ainsi sa décision :
« Mes raisons sont de deux sortes … La première est que l'organisation de la Fédération socialiste d'A.O.F. est une organisation dictatoriale ad majorem Lamini gloriam … fortunamque, c'est-à-dire une organisation qui a pour but d'asseoir le pouvoir personnel de Lamine Guèye. La seconde est que la S.F.I.O., sur le plan parlementaire, ne défend plus que les intérêts électoraux métropolitains » 36.
Le congrès constitutif du B.D.S. se tint à Thiès du 15 du 17 avril 1949.
Au moment où Senghor quittait la S.F.I.O., un nouveau groupe parlementaire se constituait à l'Assemblée nationale. Les membres de ce groupe, qui se baptisaient Indépendants d'Outre-mer (I.O.M.), voulaient remplir leur mandat de député en se dégageant des manoeuvres tactiques métropolitaines. Dans leur programme, ils énuméraient les problèmes à résoudre dans les T.O.M. :
« Réaliser une organisation politique et administrative entièrement nouvelle, adaptée à la situation présente des T.O.M. et capable de favoriser leur évolution au lieu de la freiner ; construire un système moderne de production et de consommation susceptible, à tous les moments d'une conjoncture économique mondiale sans cesse en fluctuation, de satisfaire les besoins des populations d'O.M. ; instituer un régime social fondé sur l'égalité qui assure le progrès des individus comme des collectivités ».
A sa fondation, le groupe comprenait deux anciens U.R.R. (R.D.A.), Apithy, du Dahomey, et Aku, du Togo ; un ancien apparenté au Parti communiste, Martine, de la Côte des Somalis ; un indépendant, Laribi, d'Algérie ; trois non-inscrits, Henri Guissou, Nazi Boni et Mamadou Ouedraogo, de Haute-Volta. Ces fondateurs furent très vite rejoints par Léopold Sédar Senghor, puis par Louis-Paul Aujoulat, du Cameroun, ancien M.R.P.
Dans une déclaration plus explicite publiée le 24 décembre 1948, le groupe exposait ses positions de principe et son programme d'action. Ses options principales étaient : une organisation fédérale de l'U.F., la dénonciation de toute survivance du pacte colonial, la décentralisation dans l'Union, c'est-à-dire la faculté pour les T.O.M. de gérer démocratiquement leurs propres intérêts, enfin la nécessité d'une contribution de la Métropole à l'évolution des T.O.M. Le groupe justifiait une fois de plus sa création en affirmant que « les partis politiques préoccupés de leurs propres problèmes sont dans l'impossibilité de s'intéresser à fond aux problèmes des T.O.M. dont ils font facilement une monnaie de politique intérieure ». C'était diagnostiquer le mal dont mourra l'U.F. : le Parlement sera incapable de faire les réformes nécessaires dans les délais voulus.
Aujoulat, président du groupe, fit connaître ce programme dans une conférence de presse, à Paris, le 25 février 1949 37. Des journées d'études, en juillet 1950, permirent aux I.O.M. de structurer davantage leur programme. Mais le groupe souffrit d'un grave handicap : il n'était qu'une organisation parlementaire, ayant localement peu d'assises populaires, sauf au Sénégal et au Dahomey.
Après le Congrès de Treichville Uanvier 1949),
« Houphouët-Boigny se retira à Yamoussoukro, d'où il dirigea la lutte et l'action …
Cette veillée d'armes fut décisive pour Félix Houphouët-Boigny, pour ses compagnons, pour le R.D.A. Félix Houphouët-Boigny allait démêler les fils emmêlés de la situation. Alors que les intellectuels et les cadres se perdaient dans la critique stérile et le mirage de l'idéologisme, la Responsabilité politique, qui s'imposait de plus en plus, l'amenait à reposer sur des bases réelles tous les problèmes de la lutte, en fonction des intérêts de centaines de milliers de membres du R.D.A….
La répression créait à travers l'Afrique une situation sociale dramatique … Il fallait vaincre ou arrêter l'appareil de répression. Mais auparavant, il fallait en déceler le mécanisme, en repérer les structures …
Le centre de la repression se situait à Paris, plus exactement au ministère des colonies … Il s'agissait non d'une improvisation, mais d'une politique d'Etat, pensée systématiquement en fonction d'objectifs bien définis : (maintenir) la colonisation (qui) devait permettre à la France de sauvegarder sa place de grande puissance dans le monde … La réflexion d'Houphouët-Boigny le conduisit à retrouver le fil d'Ariane de ce système de domination coloniale … Cela lui permit de sortir le R.D.A. de l'impasse dans laquelle l'entraînait le mirage d'un anti-impérialisme et d'un anti-colonialisme abstraits, ce dont les agents de l'administration prenaient prétexte pour désorganiser la réaction des peuples contre la domination » 38.
Telles sont, selon Doudou Guèye, les origines de la décision prise par les dirigeants du R.D.A. de se désapparenter du Parti Communiste Français.
Le 16 juin 1948, le Haut-Commissaire Béchard était à Abidjan. Il en profita pour aller à Yamoussoukro s'entretenir avec le président du R.D.A. Il semble qu'il lui proposa alors une alliance du R.D.A. avec la S.F.I.O. pour faire un grand mouvement de gauche non-communiste. Houphouët-Boigny aurait envoyé un rapport à Gabriel d'Arboussier, qui l'aurait détruit sans le communiquer aux autres membres du Comité de coordination.
C'est sans doute à cette tentative manquée que Raymond Barbé faisait allusion en juillet 1948, lorsqu'il signalait
« la tendance d'un certain nombre d'élus du R.D.A. à abandonner la lutte commune avec la classe ouvrière française et son Parti communiste, à renoncer à leur apparentement au groupe parlementaire communiste et à se réfugier dans un autonomisme africain » 39.
Profitant de la retraite volontaire du président du Mouvement, Gabriel d'Arboussier s'efforçait d'imprimer au R.D.A. l'orientation qu'il avait luimême choisie.
« Par une circulaire du 17 novembre 1949 adressée aux sections R.D.A., (il) a annoncé que le 3e Congrès interterritorial du R.D.A. se tiendrait au Tchad. Les frais de transport (étaient) prévus pour les délégués selon la répartition suivante : Sénégal, 4 ; Soudan, 4 ; Guinée, 5 ; Côte d'Ivoire, 8; Haute-Volta, 6; Niger, 6; Dahomey, 2 » 40.
Mais le secrétaire général se rendit bientôt compte que la majorité des dirigeants ne partageait pas ses options. Ceux-ci acceptèrent cependant l'invitation à participer à la fête du 50e anniversaire de Maurice Thorez le 28 avril 1950 :
« C'est avec émotion que notre délégation lui exprimera la gratitude fraternelle que lui portent les peuples d'Afrique noire qui reconnaissent aujourd'hui dans le P.C.F. leur plus grand ami et leur plus ferme soutien dans leur lutte pour la liberté et la paix » 41.
Cet anniversaire fut célébré en même temps que se tenait le XIIe Congrès du P.C.F. La délégation du R.D.A. était composée d'Houphouët-Boigny; Mamadou Konaté, Ouezzin Coulibaly, Gabriel d'Arboussier et Doudou Guèye.
« Lorsqu'il partit pour la France, au terme de sa longue veillée d'armes, (Houphouët-Boigny) avait perçu l'inaptitude du secrétaire général du R.D.A., empêtré dans des relations devenues opérationnelles et de dépendance avec la direction du P.C.F., à trouver des solutions convenables aux problèmes politiques africains » 42.
A la grande déception des Africains, le P.C.F. ne prit aucune décision concrète en vue de la prise du pouvoir en France, ce qui aurait permis au R.D.A. de sortir de l'impasse où il était enfermé. « Il est certain qu'un déclic bloqua, à partir de là, les relations d'abord, les rapports ensuite, avec le P.C.F. », affirma Doudou Guèye. « Au moment où nous quittions le Congrès de Gennevilliers, je compris que nous quittions leP .C.F.… que nous laissions à son destin. Je saisis que nous allions assumer désormais le nôtre propre » 43.
Un geste riche de signification marqua ce retour à l'Afrique : Houphouët-Boigny, Mamadou Konaté, Doudou Guèye et Tiémoko Diarra se rendirent en pèlerinage à Montluçon sur la tombe de Cheikh Hammalah.
Gabriel d'Arboussier démissionna le 7 juillet de ses fonctions de secrétaire général, arguant du « développement croissant de ses charges sur le plan international qui s'ajoutaient à celles qui lui incombaient déjà sur le plan parlementaire ».
Le groupe parlementaire des I.O.M. tenait une place relativement importante dans la majorité. Son vote permit l'investiture de René Pleven comme président du Conseil des ministres le 12 juillet 1950. Le Dr Aujoulat, président du groupe, devint sous-secrétaire d'État à la F.O.M., avec Lucien Coffin (S.F.I.O.), aux côtés du tout jeune ministre (34 ans), François Mitterrand.
Raphaël Saller était secrétaire du groupe. Dès juin 1950, il eut des entretiens avec Jean Delafosse, grand conseiller de Côte d'Ivoire, puis directement avec Houphouët-Boigny. Fin juillet, Saller demanda au gouverneur Siriex, alors conseiller pour les questions d'O.M. à la présidence du Conseil, de préparer une entrevue Pleven-Houphouët-Boigny.
De son côté, « après bien des hésitations, Théodore Monod, directeur de l'I.F.A.N., finalement convaincu par son collaborateur, Amadou Hampaté Bâ, demanda à Pleven de rencontrer Houphouët-Boigny » (Doudou Guèye).
L'entrevue eut lieu à la fin du mois d'août. Elle dura trois quarts d'heure, le président du R.D.A. put expliquer au président du Conseil la situation réelle en Afrique. Pleven, étant à la veille de son départ pour un voyage aux États-Unis, chargea son ministre de la F.O.M. de suivre l'affaire. François Mitterrand, d'abord vexé d'avoir été “court-circuité”, poursuivit les contacts après s'être assuré d'être couvert par le Président de la République, Vincent Auriol.
Celui-ci accorda lui-même à Houphouët-Boigny une audience à l'issue de laquelle il télégraphia au Haut-Commissaire Béchard de « changer de politique à l'égard du R.D.A. ». Béchard, qui aurait voulu faire l'opération à son bénéfice, dépêcha à Paris son directeur de cabinet, Jean Ramadier, pour dire que c'était s« un piège du Parti communiste ».
Le retour à l'esprit de Bamako supposait aussi la recherche de l'unité africaine. Les contacts avec les I.O.M. se concrétisèrent dans un protocole provisoire signé le 9 août par Aujoulat, Aku, Mamadou Dia, Montrat, Saller, Senghor, Momo Touré et Zinsou pour les I.O.M. et par Houphouët-Boigny, Hamani Diori et Ouezzin Coulibaly pour le R.D.A. Ce protocole a été résumé ainsi par Aujoulat :
Vers la mi-octobre, Houphouët-Boigny alla informer les dirigeants du P.C.F. de son intention de rompre l'apparentement du R.D.A. avec le groupe parlementaire communiste. En l'absence de Maurice Thorez, Jacques Duclos s'efforça de convaincre le président du R.D.A. de revenir sur sa décision. Ce fut en vain.
Le 17 octobre 1950, Félix Houphouët-Boigny remettait à la presse le communiqué suivant :
« Constatant que l'action de tous les élus des T.O.M. sur la base d'un programme précis est la meilleure formule pour défendre efficacement les intérêts de l'Afrique, les parlementaires R.D.A. décident de se désapparenter des groupes métropolitains ».
C'était le « dénouement d'un malentendu fondamental entre les dirigeants du R.D.A. et ceux du P.C.F. et qui couvait depuis le Congrès de Bamako : dans les méthodes de travail politique, dans le comportement idéologique, dans la conception de la Démocratie, de la Liberté » 46.
Le premier geste concret marquant la réalité du désapparentement fut le vote du 2 décembre 1950 sur l'ordre du jour de confiance présenté par le gouvernement Pleven. Tchicaya se fit ce jour-là le porte-parole du Mouvement :
« Le R.D.A. ne fait d'opposition systématique à aucun gouvernement et son vote de confiance marquera la conviction que la France peut et doit apporter l'apaisement politique aux populations d'O.M. ».
La délégation à Paris du Comité de coordination du R.D.A. publia un communiqué dans lequel, après avoir rappelé les derniers événements de Côte d'Ivoire et réaffirmé sa fidélité au programme de Bamako, elle expliquait :
« Si, aujourd'hui, parce que nous avons rompu l'apparentement parlementaire, le seul lien cependant qui nous unissait au P.C.F., la presse communiste croit devoir nous attaquer, nous laissons à nos détracteurs la pleine responsabilité de leurs paroles et de leurs actes en constatant par leur attitude que nous ne nous étions sans doute pas compris sur les bases de cet apparentement. En tout cas, quoi que l'on dise, quoi que l'on écrive, nous resterons avant tout les défenseurs des intérêts africains contre toutes les oppressions.
Fidèles à l'Afrique, soucieux des intérêts africains, nous rechercherons dans la Métropole, auprès de tous les hommes de bonne volonté, l'aide qu'il nous faut pour défendre la cause de l'Afrique, traduire dans la réalité les principes de liberté et de justice réaffirmés dans la Constitution de 1946. »
Les autres partis manifestèrent une certaine méfiance en face d'une décision dont beaucoup contestaient la sincérité, et il faudra de longs mois pour désarmer les sceptiques.
Les I.O.M. cependant accordaient un préjugé favorable à la nouvelle orientation du R.D.A., et Senghor déclarait, au cinéma Rialto de Dakar :
« Il est de notre devoir d'aider le R.D.A. à changer de politique dans l'intérêt de la France. Si l'on veut éviter la révolte, il faut supprimer les raisons de la révolte, mais ce n'est pas par la répression que l'on viendra à bout de celle-ci » 47.
Mais les réticences se manifestèrent à l'intérieur même du Mouvement. François Mitterrand rapporte que le R.D.A. demanda qu'une« délégation de trois membres fut autorisée à parcourir les territoires afin de visiter les sections locales du R.D.A. et de leur communiquer de nouvelles directives. Les gouverneurs consultés se déclarèrent presqu'unanimement hostiles à cette initiative. Les émeutes étaient si récentes que l'heureux effet d'une telle mission leur paraissait peu sûr… Je dus leur imposer ma conviction et, dans certains cas, aller jusqu'à la sanction » 48.
Les trois « missionnaires » choisis étaient parmi les sages du Mouvement, Mamadou Konaté, Ouezzin Coulibaly et Hamani Diori. A la réunion des parlementaires R.D.A. qui précéda leur départ, le 22 décembre, Houphouët-Boigny les mit en garde :
« Béchard est notre grand ennemi actuel… Pour se maintenir en place, il lui a fallu faire la politique anti-communiste. C'est sa force. Homme souple, il a réussi à mettre beaucoup d'Africains dans son jeu. Il ne veut pas que nous réussissions dans notre travail de regroupement des Africains, car cela signifierait pour lui son départ de Dakar » 49.
La mission eut fort à faire pour faire comprendre le désapparentement à des sections locales, souvent très engagées dans la lutte.
En Côte d'Ivoire, « quand Mamadou Coulibaly a apporté de Paris la nouvelle du désapparentement du P.C., tous les membres du Comité directeur, sauf Denise, au cours d'une réunion, ont violemment critiqué la décision d'Houphouët-Boigny. Ils déclarent à ce propos qu'ils préfèrent être communistes avec d'Arboussier qu'indépendants avec Houphouët-Boigny … Il se dégage de tout cela un sentiment d'indécision, de flottement et de découragement. La plupart pensent que sans le P.C., le R.D.A. est perdu … Pour les partis d'opposition, sur le plan local, l'opinion est défavorable à toute espèce d'accord avec le R.D.A. » 50.
Au Soudan, les « modérés » avec le député Mamadou Konaté, ainsi que Sidibé Tidiani et Tiémoko Diarra, étaient pour le désapparentement, mais le secrétaire général Modibo Keita et quelques « extrémistes » étaient hostiles à la rupture. Finalement c'est par 11 voix contre 5 que le Comité directeur approuva le désapparentement. Trois jours plus tard, le Comité directeur décida encore que Modibo Keita devait démissionner pour reprendre ses fonctions d'instituteur, comme l'y pressait l'administration.
Dans d'autres territoires, la révolte des « extrémistes » ira jusqu'à la rupture. Le leader de la fraction dure était Gabriel d'Arboussier. Le 6 décembre, le groupe parlementaire R.D.A. s'était réuni à Paris pour entendre la délégation revenant du Congrès des Partisans de la Paix : Sékou Touré (Guinée), Manga et Kimbo (Cameroun), Djibrilla Maïga et Séré Douani (Haute-Volta). Cette réunion fut l'occasion de condamner la politique de l'ancien secrétaire général : « Entre la survie du Mouvement et la satisfaction personnelle de M. d'Arboussier, le groupe a choisi l'intérêt de l'Afrique », déclara Ouezzin Coulibaly. Houphouët-Boigny apporta des preuves qui constituaient la condamnation de la politique personnelle de Gabriel d'Arboussier, « qui a miné le mouvement dans ses finances et fait déserter ses rangs ». Et Mamadou Konaté concluait : « Que ceux qui veulent faire un Parti communiste africain aillent le créer… ».
Le rapport politique, envoyé le 8 décembre à toutes les sections pour expliquer le désapparentement, précisait les erreurs commises : les camarades
« ont été entretenus pendant plus d'un an, non pas dans le sens d'un R.D.A., mouvement de masse comprenant toutes les couches sans distinction d'opinions, mais dans la notion d'un R.D.A. ayant trouvé sa formule définitive et ses moyens d'expression, en s'écartant des résolutions du Congrès constitutif de Bamako … Pour s'être écarté de la ligne définie à Bamako, le R.D.A. est apparu comme un mouvement dont le sectarisme a été exploité par ceux qui avaient besoin de justifier les sévices et la répression et par ceux qui, à l'intérieur, tiraient gloire de ce sectarisme en arguant une certaine élévation politique des masses ».
Les adversaires les plus acharnés de la nouvelle ligne du R.D.A. se trouvaient dans les milieux coloniaux de Côte d'Ivoire. Cette opposition se manifesta violemment lors des fêtes de l'inauguration du port d'Abidjan le 5 février 1951. Pour la première fois depuis longtemps, les six parlementaires R.D.A., dont les deux de Côte d'Ivoire, étaient parmi les invités officiels. La presse européenne s'indigna, les sénateurs Josse et Lagarosse envoyèrent un télégramme de protestation au Président de la République, une délégation de conseillers généraux se rendit auprès de François Mitterrand qui présidait les fêtes. Malgré la tension qui régnait dans la ville et grâce à la sagesse des dirigeants R.D.A., tout incident grave fut évité. Et une réunion de tous les gouverneurs présents aux festivités permit au ministre de la F.O.M. de définir la nouvelle politique gouvernementale à l'égard du R.D.A.
Mais il fallut une année entière à Houphouët-Boigny pour convaincre de sa bonne foi les milieux européens de Côte d'Ivoire. Le 6 octobre 1951, il organisa un meeting au stade Géo André :
« Les paroles du président du R.D.A. ne lui ont pas encore acquis la sympathie des Européens dans leur ensemble, ni l'adhésion de ses adversaires, ni l'enthousiasme de tous ses lieutenants. Mais la masse de ses partisans continue à la suivre » 51.
Un mois plus tard, le 10 novembre, le commandant Ply, directeur du journal « La Côte d'Ivoire », organisa au cinéma Super-Vox une réunion au cours de laquelle les Européens purent poser les questions qui leur tenaient à coeur :
« Les réponses du député ont produit une impression particulièrement forte dans les milieux européens dont les commentaires favorables rendent encore plus difficile la position des ‘irréductibles’ » 52.
Le lendemain de la publication du communiqué du désapparentement, le 18 octobre 1950, les I.O.M. tinrent une conférence au Palais-Bourbon pour déterminer les conditions à imposer au député Houphouët-Boigny pour son admission dans le groupe des Indépendants. Outre la rupture avec le P.C., il lui était demandé pratiquement de saborder le R.D.A. et sa presse, et de rompre avec Gabriel d'Arboussier. Malgré la bonne volonté du président du R.D.A., aucune décision ne fut prise : on attendait les réactions des partis locaux.
Les plus fortes réticences vinrent de la Haute-Volta, du Niger, de la Guinée et du Gabon. Sans être contre la fusion avec le R.D.A., on demandait des étapes pour être sûr de la bonne foi des interlocuteurs.
Le 27 novembre, C. Sylvestre, secrétaire général adjoint du groupe parlementaire des I.O.M., invitait le R.D.A. à une nouvelle réunion. Sous la signature de Ouezzin Coulibaly, le groupe parlementaire R.D.A. accepta cette nouvelle confrontation qui eut lieu le 2 décembre.
Le R.D.A. voulait la fusion pure et simple. Les I.O.M. reconnaissaient, par la bouche de Senghor, qu'un groupe comprenant 12 I.O.M. et 6 R.D.A. pourrait jouer un rôle important à l'Assemblée nationale. Mais les I.O.M. proposaient la solution provisoire de l'apparentement pour laisser aux dirigeant le temps d'aplanir les différends locaux. La proposition présentée par Émile D. Zinsou fut finalement acceptée : apparentement jusqu'en janvier, pendant ce délai, un comité de coordination serait mis en place.
En fait on s'orienta plutôt vers la formation d'un intergroupe. Le 20 décembre, Houphouët-Boigny, Lamine Guèye et Raphaël Saller adressaient à titre personnel à tous les élus une lettre les invitant à « une réncontre des mandataires de nos territoires respectifs en vue d'un examen de l'ensemble des problèmes de l'heure ».
Après les réunions préparatoires des 22 et 29 décembre, l'intergroupe des élus africains fut constitué le 12 janvier 1951. Le bureau était présidé par Lamine Guèye (socialiste) avec, comme vice-présidents : Senghor (I.O.M.), Houphouët-Boigny (R.D.A.) et Charles Cros (socialiste) 53.
L'intergroupe établit le 18 janvier un premier programme commun d'action parlementaire qui comprenait les points suivants :
Mais le 3 février 1951, Senghor, président du groupe I.O.M., dut reconnaître l'échec de la fusion :
« Le groupe des I.O.M. a pris contact avec des élus du R.D.A. pour étudier avec eux des questions intéressant les T.O.M., mais il n'y a jamais eu d'alliance ou de regroupement entre ces deux formations » 54.
Cependant la mystique de l'unité demeurait toujours. A l'occasion des fêtes d'inauguration du port d'Abidjan, les personnalités présentes tinrent le 7 février 1951 une réunion impromptue pour étudier si l'entente, même limitée, réalisée sur le plan parlementaire, était possible sur le plan local. Un accord de principe fut conclu, mais on convint de la nécessité de consulter les électeurs 55.
Le désapparentement avait fait disparaître un obstacle important sur la route de l'unité. Mais depuis le rendez-vous partiellement manqué de Bamako en octobre 1946, les oppositions et les rivalités avaient laissé des blessures difficiles à cicatriser surtout au niveau local. Les fondateurs du R.D.A. avaient voulu en faire le front uni de toutes les forces africaines de libération et de promotion. Ils comprenaient mal que les autres courants politiques hésitent à se fondre dans le courant unitaire. Les socialistes et les indépendants avaient des positions acquises, grâce, notamment, à leur collaboration avec la majorité gouvernementale. Ils n'acceptaient pas d'y renoncer.
Notes
1. Circulaire de Raymond Barbé, 20 juillet 1948.
2. Doudou Guèye. Sur les sentiers du temple, Ventabren, Les Rouyat éd., 1975, 160 pp.
3. Ibid., pp. 28-29.
4. Rapport du vice-président chargé de l'organisation du R.D.A. au Comité de coordination 8 décembre 1947.
5. Barbé, op.cit.
6. Circulaire n° 7 du 7 septembre 1947, section sénégalaise du R.D.A.
7. Lettre adressée par Morlet, délégué confédéral de la C.G.T. pour l'A.O.F. et l'A.E.F. aux membres les plus actifs de la section du R.D.A. du Sénégal.
8. Rapport présenté par Gabriel d'Arboussier, vice-président chargé de l'organisation, à la réunion du Comité de coordination, Dakar, le 2 octobre 1948, in Le R.D.A. dans la lutte anti-colonialiste.
9. Arrêté local du 27 novembre 1948.
10. Afrique Nouvelle, n° 76, 16 janvier 1949.
11. Note rédigée le 28 mai 1950 par Gabriel d'Arboussier à l'intention de « l'Humanité », quotidien du P.C.F.
12. Doudou Guèye, op.cit., p. 90.
13. François Joseph Amon d'Aby. La Côte d'Ivoire dans la cité africaine. Paris, Larose, 1951 206 pp., p.58.
14. Aristide Zolberg. Effets de la structure d'un parti politique sur l'intégration nationale (P.D.C.I. de Côte d'Ivoire), in Cahiers d'Études Africaines, n° 3, 1960, pp. 140-149.
15. Rapport annuel 1946 de Côte d'Ivoire, p. 51.
16. Marchés coloniaux, n° 68, 1er mars 1947 ; Progrès Colonial, 23 février 1947 ; Georges Chaffard. Carnets secrets de la décolonisation, Paris, Calmann-Lévy, tome 1, 350 pp., pp. 54-55.
17. Rapport déjà cité du 8 décembre 1947.
18. Rapport de police 1947 de Côte d'Ivoire, pp. 89-90.
19. Débats de l'Assemblée de l'U.F., annexe n° 252 au P. V. de la séance du 13 octobre 1949.
20. Débats de l'Assemblée nationale, annexe n° 8319 au P .V. de la séance du 8 novembre 1949.
21. Henriette Diabaté: La marche des femmes sur Grand-Bassam, Abidjan, Dakar. Nouvelles Editions Africaines, 1975, 64 pp.
22. Débats de l'Assemblée nationale, annexe n° 11348 au P.V . de la séance du 21 novembre 1950, 3 tomes, 1132 pages.
23. Ibid., pp. 1116 ss.
24. Latrille, rapport mensuel de septembre 1946, n° 470 bis/ APS.CI, 29 octobre 1946.
25. Rapport annuel 1946 de Côte d'Ivoire, p. 25.
26. Ibid., pp. 39 et 52.
27. Lettre n° 262/ Cab/2, 18 août 1948, du gouverneur Mouragues au Haut-Commissaire Béchard.
28. Lettre n° 165/Cab/APS, 11 août 1949, du gouverneur Mouragues au ministre de la F.O.M.
29. Lettre n° 2664 INT/AP/2, 1er juillet 1949.
30. Ahmed Sékou Touré. L'Afrique et la Révolution, Paris, Présence Africaine, s.d., 398 pp. ; pp.50 ss.
31. D'après un manuscrit inédit de Bakary Djibo, p. 16.
32. Rapport déjà cité du 8 décembre 1947.
33. Maurice A. Glélé. Naissance d'un Etat noir, Paris, Librairie Générale de Droit et Jurisprudence, 1969, 540 pp. , pp.93 ss.
34. Rapport déjà cité du 8 décembre 1947.
35. Ernest Milcent. Au carrefour des options africaines : le Sénégal. Paris, Centurion, 1965, 224 pp., pp.45-47 ; François Zucarelli. Un parti politique africain: l'U.P.S. Paris, Librairie Générale de Droit et Jurisprudence, 1970, 403 pp., pp.38 ss.
36. Marchés Coloniaux, n° 173, 5 mars 1949.
37. Id., n° 174, 12 mars 1949.
38. D. Guèye, op.cit. pp. 91 ss.
39. Circulaire du 20 juillet 1948.
40. Lettre n° 10 INT/AP.2 du 4janvier 1950 du Haut-Commissaire de l'A.O.F. aux gouverneurs du Groupe.
41. Lettre d'Houphouët-Boigny et de Gabriel d'Arboussier au secrétariat du P.C.F., 12 avril 1950.
42. D. Guèye, op.cit., p. 103.
43. Ibid., pp. 105-106.
44. Plusieurs récits, pas toujours concordants, ont été faits de ces contacts, Cf. Chaffard, op.cit., pp. 121 ss. ; D. Guèye, op.cit., pp. 111 ss. ; Paul-Henri Siriex. Félix Houphouët-Boigny, l'homme de la paix. Paris, Seghers, Nouvelles Éditions Africaines, 1975, 364 pp., pp. 117 ss.; Georgette Elgey. Histoire de la IVe République, I. La République des illusions, 1945-1951. Paris, Fayard, 1965, 560 pp., p. 502.
45. P.V. de la réunion du 2 décembre 1950.
46. Doudou Guèye, op.cit., p. 113.
47. Afrique Nouvelle, n° 171, 11 novembre 1950.
48. François Mitterrand. Présence française et abandon. Paris, Plon, 1957, 243 pp. ; p.198.
49. P.V. de la réunion du 22 décembre 1950 des parlementaires R.D.A.
50. Rapport mensuel du commissariat de police de Treichville, 20 septembre-31 octobre 1950.
51. Bulletin d'information des services de police de Côte d'Ivoire n° 5453/760 AS/R/C.
52. Id., n° 5768/818 PS/BM/C.
53. Afrique Nouvelle, n° 181, 20 janvier 1951.
54. Id., n° 184, JO février 1951.
55. Rapport de police du commissariat de Treichville.