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Joseph-Roger de Benoist
L'Afrique occidentale française
de la Conférence de Brazzaville (1944) à l'indépendance (1960)

Dakar. Nouvelles Editions africaines. 1982. 617 pages


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Première Partie
L'équivoque féconde de l'Assimilation (1944-1951)

Chapitre II.
La première Assemblée Nationale Constituante
et la conquête des libertés

A. L'équivoque de l'Assimilation

Au moment où allaient avoir lieu les élections à l'Assemblée Nationale Constituante, quelle option déterminerait les rapports entre la France et ses colonies, et, donc, la rédaction de la Constitution ? Il y avait trois possibilités : assimilation, association, domination.
La domination était définitivement révolue, au moins dans les intentions des responsables, si elle ne l'était pas totalement dans les attitudes des exécutants (cf. supra p. 32).
L'association était opposée à la doctrine centralisatrice de la République, sauf si elle se réalisait par une évolution à l'intérieur de l'ensemble français. Cette conception jacobine de la République une et indivisible aura la vie dure ; le 12 novembre 1954, moins de deux ans avant le vote de la loi-cadre qui légalisera l'autonomie interne des territoires, François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur, dira encore :

« Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule Nation, un seul Parlement. C'est la Constitution et c'est notre volonté » 1.

Ce réflexe centralisateur avait d'autres motivations dans l'esprit des adversaires de toute évolution centrifuge : la France était responsable de ses colonies, elle devait y rester présente pour les faire évoluer et les défendre contre l'impérialisme soviétique, sa propre grandeur étant faite de l'existence de son Empire.

1. L'assimilation vue de la Métropole

Aussi la préférence des dirigeants français allait-elle à !'assimilation qui permettrait de faire des Africains, des citoyens français qui pourraient ultérieurement prendre la responsabilité de s'administrer eux-mêmes au sein de la République. C'est ce que pensait le général de Gaulle : « Peut-être serait-il possible de transformer les anciennes relations de dépendance en liens préférentiels de coopération politique, économique et culturelle » 2. Les participants de la Conférence de Brazzaville croyaient sincèrement que cette assimilation comblait les voeux des Africains : « Les populations n'accepteraient jamais des changements qui mettraient en cause leur appartenance à la famille française » 3.
Mais « lorsque les métropolitains parlaient d'assimilation politique, ils sous-entendaient que celle-ci devait :

  1. s'étendre sur une période d'années indéterminée avant de parvenir à l'égalité de fait
  2. se cantonner au domaine politique, du moins dans le premier stade » 4

Même les conséquences politiques de l'assimilation firent peur à ses partisans, quand ils en prirent conscience. Les Africains ne seraient citoyens à part entière que le jour où ils auraient une représentation parlementaire égale à celle des métropolitains. Cela signifiait trois cents ou quatre cents députés africains et, pourquoi pas, un Noir élu à la Présidence de la République.
Quant aux conséquences sociales et économiques, elles furent l'objet de combats menés par les parlementaires et les syndicalistes, notamment en ce qui concerne les allocations familiales et les traitements des fonctionnaires : la Métropole reculait devant les charges sociales qu'entraînait l'assimilation intégrale, charges que l'économie des territoires africains n'était pas capable de supporter seule.
Aussi les législateurs s'orienteront-ils bien vite vers un compromis portant d'ailleurs plus sur les voies à suivre que sur l'objectif final :

« La tendance assimilationniste aboutissait au principe de l'égalité individuelle de tous les êtres humains appartenant au domaine français, et la tendance fédérale, dérivée de la notion d'association, aboutissait à la reconnaissance d'une égalité collective établie entre les peuples et les nations ayant choisi d'appartenir à l'union » 5.

Mais dès le début de l'évolution, certains voyaient clairement les défauts de ce compromis :

« L'assimilation, même quand elle élève, écarte tout choix et paraît le fait du vainqueur. L'association et la coopération réservent les droits de chacun sur un pied d'apparente égalité. Il se peut qu'un jour l'aboutissement soit le même, mais la méthode est toute différente et le consentement s'oppose à l'obligation » 6.

Et finalement la décolonisation sera provoquée par le refus de la Métropole — ou plus précisément des représentants de certains intérêts économiques — d'assumer toutes les conséquences financières de l'assimilation :

« Que les survivants de la démocratie en France ouvrent les yeux sur la décolonisation qui les réjouit. Elle n'a rien de démocratique. Elle a été dictée par l'argent dans l'indifférence du peuple français » 7.

L'élaboration de la Constitution a été la première manifestation de ce refus d'un choix clair :

« Les constituants de 1946 ont essayé de trouver un compromis entre l'assimilation et le régime colonial… La politique coloniale française a consisté à attendre, le terme assimilation étant vague et pouvant permettre certains atermoiements, alors qu'à ce moment-là, il y avait encore moyen de trouver la synthèse en assimilant intégralement les T.O.M. » 8.

2. Une arme entre les mains des colonisés

A quelques exceptions près, les élites africaines acceptaient cette assimilation comme point de départ d'une évolution vers une totale égalité des droits avec les citoyens métropolitains, mais en même temps certaines d'entre elles revendiquaient le respect de la personnalité africaine.
Tout en affirmant que « jusqu'à la fin des temps, nous sommes et demeurerons français, la France étant la nation qui nous a ouvert les yeux pour que nous puissions parler à cette tribune à des Français comme nous », Fily Dabo Sissoko condamnait la politique d'assimilation :

« La France n'a aucun intérêt — et les lois de la psychologie du comportement s'y opposent — à uniformiser la vie sociale de tous ceux qui se réclament du drapeau tricolore et qui poursuivent leur évolution en le défendant à l'abri de ses plis glorieux » 9.

La prise de conscience de la personnalité africaine trouvait son origine dans des travaux faits entre les deux guerres par des coloniaux humanistes tels que Maurice Delafosse, Georges Hardy, Robert Delavignette, Francis Aupiais, etc.

Mais « c'est parmi les intellectuels antillais que vont s'élever, contre le système colonial, les deux voix les plus fortes, les plus véhémentes, les plus radicalement négatrices » 10. Avec Aimé Césaire et Franz Fanon, la revendication devient aggressive.

Ainsi vont se dessiner deux courants parmis les élites africaines.
D'un côté, les « représentants de ceux qui avaient renoncé à l'Afrique » 11. Parmi eux se trouvait celui qui sera le doyen des élus africains, Me Lamine Guèye :

« Le peuple sénégalais, dans son ensemble — même si l'on pouvait noter des nuances —, vivait une expérience historique particularisée. La colonisation française y avait structuré, intentionnellement, depuis Faidherbe et à partir d'un plan d'assimilation, de métissage et d'intégration conçu par celui-ci, toute une société nouvelle, en marge des “patries” wolof, sérère, diola, toucouleur, mandingue, etc. C'était cette société nouvelle que constituait le Sénégal, dont la capitale était Saint-Louis, dont les hauts lieux historiques étaient Dakar, Gorée, Rufisque, … mais qui étendait progressivement et profondément son influence : Thiès, Kaolack, Diourbel, Fatick, Ziguinchor, etc. Dans cette société, il y avait un homme nouveau qui, en général, continuait à parler le wolof, mais qui avait pratiquement renoncé aux vertus essentielles qui motivaient naguère le Wolof ou le Sérère ou le Diola ou le Mandingue ou le Toucouleur, ou qui les ignorait totalement, pour épouser des motivations essentiellement autres. Ainsi cet homme, ce Sénégalais s'exaltait à l'idée d'un « Sénégal, partie intégrante de la France ». Il était préparé à vivre et à mourir pour cette idée » 12.
D'un autre côté, le « Nègre nouveau, proclamant son refus historique de toute soumission et sa volonté de mission. Il y eut véritablement une glorification de « l'Être-de-liberté » du Nègre. Ceci ne s'était pas passé depuis plus de deux mille ans environ, depuis que s'était amorcée la« décadence » des splendides civilisations de l'Égypte pharaonique » 13.
Dans ce courant anti-colonialiste se retrouvaient des hommes qui n'excluaient pas une évolution au sein d'un ensemble français qui respecterait et épanouirait la personnalité de chacun de ses composants ; d'autres étaient inspirés par un nationalisme plus sensible aux doctrines émancipatrices de l'U.R.S.S., des États-Unis et plus généralement des Nations Unies.
Tous vont utiliser à fond les moyens que leur donnait la doctrine officielle de l'assimilation : les uns pour devenir des Français à part entière, les autres pour conquérir les libertés qui leur permettraient de redevenir des « hommes debout », des« Nègres à part entière », par la désagrégation du système colonial.
Dans ce premier temps, les Assemblées métropolitaines seront le théâtre principal de cette conquête des libertés et « les futurs dirigeants africains y feront leur apprentissage de la gestion des affaires » 14.

3. La clairvoyance des « coloniaux »

Des hommes ne se trompèrent pas sur le danger que représentaient pour leurs intérêts cette doctrine officielle de l'assimilation et l'utilisation qu'en feraient les élus africains : ce sont les « coloniaux », comme ils se nommaient eux-mêmes.
Il pourrait paraître étonnant que ceux qui disaient ne poursuivre « d'autre but que le maintien de la souveraineté, de la prospérité et de la grandeur de l'Empire colonial français » 15, aient été les adversaires les plus déterminés de l'assimilation. En fait ils étaient réalistes : ils savaient bien que le temps de la domination était révolu, mais ils voyaient les conséquences lointaines de cette assimilation qui, par l'extension du système démocratique et du suffrage universel, leur ôteraient toute possibilité d'influencer la politique des colonies dans le sens de leurs intérêts.

B. La Première Assemblée Nationale Constituante

1. Le choix des nouveaux électeurs

La Commission Monnerville avait proposé que le cinquième des sièges de la future Assemblée Nationale Constituante (A.N.C.) soit réservé aux colonies. L'ordonnance n° 45.1874 du 22 août 1945, qui, avec les deux décrets d'application du 30 août, organisa les élections, réduisit considérablement cette participation : « l'Empire »avait droit à 64 sièges sur 586. L'A.O.F. pour sa part aurait dix députés : le groupe était divisé en cinq circonscriptions électorales (Sénégal-Mauritanie, Soudan-Niger, Guinée, Côte d'Ivoire, Dahomey-Togo) dont chacune aurait un siège pour le collège des citoyens et un siège pour les non-citoyens.
Ce premier pas sur la voie de la participation des Africains à la gestion des affaires publiques était bien modeste. Les 21 000 Français de l'A.O.F. étaient représentés par quatre députés (en France métropolitaine, il y avait un député pour 60 000 à 70 000 habitants). Les seize millions d'Africains, y compris les citoyens, auraient six représentants (en comptant l'élu du premier collège du Sénégal où les citoyens d'origine africaine étaient neuf fois plus nombreux que les métropolitains).
Ces élections soulevèrent beaucoup d'intérêt dans la classe encore très limitée (environ 150 000) des électeurs africains. Elles eurent lieu en même temps qu'un double referendum par lequel le général de Gaulle demandait au corps électoral :

  1. s'il était opportun de confier à une Assemblée Constituante la rédaction d'une nouvelle Constitution
  2. dans l'affirmative, s'il convenait de limiter à sept mois l'existence de cette Assemblée et de faire approuver par un autre referendum. le texte de la nouvelle Constitution

En Afrique, seuls les électeurs du premier collège prenaient part au referendum. Tous les partis firent campagne pour le « oui » aux deux questions, sauf le Parti communiste qui préconisait le« non » à la seconde.
Ce referendum donna les résultats globaux suivants 18 :

  Inscrits Votants
25 744 992 20 353 985
Première question 18 584 746 “oui” 699 136 “non”
Deuxième question 12 794 943 “oui” 6 449 206 “non”

En A.O.F., on enregistra les résultats figurant dans le tableau suivant :

  Inscrits Inscrits 1re question 2e question
Oui Non Oui Non
Sénégal 44 292 26 732 25 772 332 12 790 13 280
Mauritanie
Côte d'Ivoire 3 646 2 730 2 420 194 1 782 812
Soudan 3 243 2 573 2 404 74 2 107 356
Niger
Guinée 1 944 1 429 1 318 26 1 090 243
Dahomey 1 279 1 068 1 006 27 945 83
Togo
A.O.F. 54 404 34 532 32 920 653 18 714 14 774

La propagande communiste avait donc influencé sensiblement les votes au Sénégal et dans une moindre mesure en Côte d'Ivoire.
Quels résultats allaient donner les premières élections ?
Au Sénégal, le gouverneur Dagain avait été remplacé le 18 juin 1945 par le gouverneur Pierre Maestracci, un Corse de 52 ans, qui avait fait toute sa carrière dans le territoire, avant d'opter en juin 1940 pour la France Libre. En

Mauritanie, le gouverneur Chalvet avait cédé la place en avril1944 à un autre ancien des Forces Françaises Libres, Christian Laigret, breveté de l'École Coloniale en 1930, et qui avait servi au Sénégal, en A.E.F., au Cameroun et dans le Pacifique.
Le Bloc Africain dominait alors les activités politiques sénégalaises : « Pour les populations urbaines, boloc, boloc en vint à symboliser le progrès, le changement et l'opposition au système français. La dernière mode pour les femmes de la ville était la« robe boloc », qui découvrait l'épaule droite » 19. Le leader inconstesté du Bloc était Me Lamine Guèye :

« Vieux routier de la politique, portant depuis vingt ans les couleurs du parti socialiste dans toutes les batailles électorales du Sénégal, … il représentait le type de ce Saint-Louisien cultivé et discret dont le charme personnel désarmait toutes les préventions à l'égard de sa couleur épidermique ou politique. II avait à l'époque tout le Sénégal derrière lui et avait même patronné, par l'intermédiaire du Bloc Africain et des Sénégalais résidant dans les autres territoires, un certain nombre de candidats » 20.

Me Lamine Guèye fut naturellement candidat du 1er collège de la circonscription Sénégal-Mauritanie et élu avec une majorité écrasante. Il entraîna dans son sillage Léopold Sédar Senghor qu'il avait lui-même présenté aux suffrages du 2e collège. Le choix de ce jeune professeur parti depuis 27 ans en France avait été contesté. Il fut néanmoins élu très largement au 1er tour 21.
La Guinée, dont le chef était depuis mars 1944 le gouverneur Fourneau, fut pour la première fois le théâtre d'incidents sanglants. Maurice Chevance-Bertin, « général » dans la Résistance française où il avait été, un des fondateurs du groupe « Combat », membre à ce titre de l'Assemblee Consultative Provisoire, vint solliciter les suffrages des électeurs du 1er collège. Ce representant des intérêts coloniaux, directeur de l'hebdomadaire « Climats », fut difficilement élu contre un commerçant local, délégué de la Guinée au Conseil Supérieur des Colonies, Ferracci, qui sera plus tard sénateur.

Pour le 2e collège, les jeunes intellectuels de l'Amicale Gilbert Vieillard auraient voulu présenter le fils du chef de canton de Dabola, Barry Diawadou. Mais celui-ci était trop « progressiste » aux yeux des chefs peul, qui lui préférèrent Yacine Diallo, « un Peul originaire du Fouta-Djalon qui dut son élection à son prestige de directeur d'école ayant formé des générations en Guinée d'une part, et d'autre part, à l'importance démographique des Peul qui, à eux seuls, représentaient 50 % de la population » 22.

[Note. — Le passage ci-dessus est ambigu car Diawadou et Yacine sont tous deux Fulɓe, ou Peuls, natifs du Fuuta.— T.S. Bah.]

Mais des incidents avaient éclaté le 16 octobre à Conakry. La Guinée était une des colonies qui avaient le plus souffert de l'effort de guerre, l'encadrement administratif était insuffisant et fatigué par le trop long séjour imposé par la guerre, la vie était chère. Il avait suffi d'une erreur, sans doute involontaire, pour provoquer l'explosion : les bulletins des candidats non-citoyens avaient été oubliés dans 16 000 enveloppes. Des Européens et des policiers furent molestés. Le lendemain, la foule se livra au pillage et à des attaques contre l'usine électrique. Le gouverneur Fourneau était en tournée. Débordé, le secrétaire général intérimaire Mabille voulut maintenir l'ordre à tout prix.
Après les sommations, les troupes ouvrirent le feu. Les incidents, dont tout laissait penser qu'ils étaient spontanés, firent cinq morts dont deux enfants (tous Africains) et de nombreux blessés.
En Côte d'Ivoire, « bastion du vichysme militant » 23, le siège du 1er collège fut l'enjeu d'une bataille d'anciens gouverneurs généraux, Reste et Brunot. Il était d'ailleurs convoité par neuf autres candidats, dont l'un était présenté par la toute nouvelle fédération M.R.P. que venait de fonder le futur gouverneur Albert Mouragues, aidé d'un fonctionnaire des Travaux publics, Joussehn 24. Finalement, François Reste l'emporta au 2e tour. Comme en Guinée, le climat était très tendu dans les milieux africains. A l'effort de guerre et aux réquisitions, s'ajoutait le travail forcé, sur lequel nous reviendrons. La situation provoqua une double réaction :

Un groupe de planteurs africains avait organisé en juillet 1944 un Syndicat Agricole Africain (S.A.A.) (cf.supra, p. 34), pour lutter contre les discriminations dont ils étaient victimes : alors que 90 % du cacao était produit par les planteurs africains, ceux-ci ne pouvaient pas utiliser la main-d'oeuvre recrutée par l'administration pour les plantations européennes ; bien plus, ils devaient de laisser leur propre récolte pour aller travailler chez les planteurs européens.
Les fondateurs du Syndicat eurent la chance de bénéficier du soutien actif du gouverneur Latrille, nommé en décembre 1943 pour remplacer le gouverneur vichyste Rey en fuite. Par une série de mesures, Latrille dispensa du recrutement tout planteur exploitant plus de 3 ha, il améliora les salaires et amorça le remplacement du travail forcé par le volontariat. Mais pendant les années 1944 et 1945, chaque fois que le gouverneur avait tenté d'étendre aux planteurs africains le bénéfice des avantages accordés aux planteurs européens, il s'était heurté à l'arbitrage défavorable du Gouverneur général Cournarie. Par contre, il pouvait compter sur l'appui du S.A.A. dans tous les conflits provoqués par l'opposition des milieux européens ; les forestiers avaient cessé la fourniture du bois de chauffe au chemin de fer, ils furent relayés par les Africains qui abaissèrent de plus de 50 % le prix de vente du bois coupé ; une grève, déclenchée par le principal boucher européen d'Abidjan, tourna court grâce aux bouchers africains qui, non seulement assurèrent le ravitaillement de la capitale, mais, là encore, firent baisser les prix.

L'administration avait en haute estime le jeune président du S.A.A. :

« Houphouët-Boigny, un chef de canton particulièrement intéressant… montra le plus grand zèle dans ses fonctions. Par la seule persuasion, il améliora peu à peu l'hygiène des villages et les plantations africaines … Malgré les difficultés d'embauchage propres aux Africains … il obtient pour le café le rendement moyen d'une bonne plantation européenne … Pour le cacao, rendement supérieur à tous les rendements des planteurs européens » 25.

Tout naturellement Félix Houphouët-Boigny fut choisi comme candidat du 2e collège pour les élections législatives. Mais, après six années de séjour ininterrompu en Afrique, le gouverneur Latrille partit en congé le 8 août 1945. Son remplaçant intérimaire, le gouverneur de Mauduit, était hostile au S.A.A. et décida d'exploiter contre la candidature d'Houphouët-Boigny la réaction que le travail forcé avait suscitée en Haute-Côte d'Ivoire :

« La nature du travail forcé, la condition lamentable des manoeuvres sur les plantations, sur les chantiers, l'égoïsme des colons, des planteurs, allaient créer une crise grave dans les rapports entre la Côte d'Ivoire du Sud et l'ancienne Haute-Volta, entre les autorités et les intellectuels de ces pays. La campagne électorale de 1945 se présentait sous le signe d'une opposition systématique entre le Nord et le Sud, globalement. Les habitants du Nord, les Mossi et les non-Mossi, le Mogho Naba, les intellectuels, voulaient coûte que coûte mettre un terme au travail forcé, à la traite des manoeuvres, à ce qu'ils considéraient comme une situation humiliante. Ils menaient leur ‘combat du siècle’ : reconstituter la Haute-Volta, mettre un terme au recrutement des manoeuvres pour le travail forcé et aux réquisitions abusives de vivres » 26.

On pressentit donc Ouezzin Coulibaly 27, originaire de la région de Banfora, pour se présenter contre Houphouët-Boigny. Mais les deux hommes se rencontrèrent, comme Houphouët-Boigny le raconta lui-même lors des obsèques de Ouezzin Coulibaly :

« Jamais je n'oublierai cette date de septembre 1945. Ayant pns le tram pour Dimbokro, notre ami commun, Doudou Guèye, se trouvait à la gare d' Agboville pour nous accueillir tous les deux. Il nous mit en rapport et nous accompagna jusqu'à la limite du cercle de Dimbokro. Nous eûmes un long entretien, au cours duquel cette intelligence qui te caractérisait te fit voir qu'on ne t'avait fait venir au pays que dans le but de faire brèche à la candidature d'Houphouët. Et tu me déclaras sans ambages, avec cette spontanéité lumineuse à laquelle je ne cesserai de rendre hommage : « Je réalise les raisons pour lesquelles l'on veut t'empêcher de nous représenter sur les bords de la Seine, et le rôle abject que l'on veut me faire jouer. La région de Bobo ne représente que le huitième du corps électoral. Mes frères de Bobo ne peuvent assurer ma propre élection, mais leurs votes peuvent départager la Basse Côte et le pays Mossi. Non seulement, je ne me représente plus, mais j'irai faire campagne pour toi en Haute-Volta » 28.

L'administrateur Mourgues, alors en poste à Ouagadougou, réussit à convaincre le Mogho Naba, principal chef des Mossi, de retirer l'appui qu'il avait promis à Houphouët-Boigny 29 et de présenter la candidature d'un de ses ministres, le Baloum Naba, « vieillard de près de 80 ans, époux de 42 femmes, illettré, ne sachant s'exprimer en français » 30, mais qui pouvait compter sur les 12 000 électeurs du pays Mossi, tandis que les 14 000 voix de Basse Côte risquaient de s'éparpiller sur treize candidats.
Dans sa profession de foi, Houphouët-Boigny dénonçait « les manoeuvres électorales » dont il était victime :

« … J'aime la France à laquelle je dois tout. J'aime la Côte d'Ivoire, partie intégrante du grand Empire français. C'est à seule fin de servir la plus grande France, la France de 130 millions d'habitants, une et indivisible, que je brigue vos suffrages … Du fin fond de ma brousse, ma sauvage brousse akoué, la France m'a sorti pour me jeter sur un dur chemin à parcourir en m'assignant comme but à atteindre la borne “Evolution” » 31.

Houphouët-Boigny fut élu au premier tour. Quelques jours plus tard, il fut informé qu'il y avait eu des erreurs de transmission et qu'il lui manquait 35 voix pour avoir la majorité requise. Malgré de nouvelles difficultés accumulées, il fut élu au second tour 32. Le Soudan et le Niger ne formait qu'une seule circonscription électorale. Le premier territoire était dirigé par le gouverneur Calvel, en poste depuis 1942, le second par le gouverneur Toby, nommé en 1943. Aucun candidat n'avait de chances de l'emporter au premier tour, car les circonstances politiques ne permettaient pas d'être connu sur un si vaste territoire. Au premier collège, les voix se dispersèrent au premier tour. Le deuxième tour permit à Maurice Kaouza, ancien membre de l'Assemblée Consultative Provisoire, de l'emporter sur Me Silvandre, plus connu à Dakar.
Douze candidats se disputaient le siège du deuxième collège ; parmi eux, plusieurs joueront un rôle politique important : Fily Dabo Sissoko, Mamadou Konaté, Modibo Keita, Hamani Diori, Tiémoko Diarra, Tidjani Sidibé, Mamby Sidibé. Le premier fut élu au 2e tour :

« Fily Dabo Sissoko, directeur d'école, chef de canton du cercle de Bafoulabé, passionné d'histoire et de philosophie, avait eu une carrière administrative mouvementée, émaillée d'incidents, car il militait activement pour les droits des Africains, du peuple noir, comme il aimait à le dire. Il était lié à Paul Rivet, à Eboué comme à Delavignette. Pendant la guerre, il avait fait partie d'un mouvement de résistance local comme vice-président de l'Association France-U.R.S.S. » 33.

Le Togo, pendant la guerre, avait été rattaché administrativement à l'A.O.F. et il restait uni au Dahomey pour les élections. Le « Comité des Sages »de Cotonou, qui avait fait des suggestions à S.M. Apithy, membre de la commission Monnerville, se tranforma en Comité central des opérations électorales et créa des Comités régionaux fortement organisés. Plusieurs de ses membres étaient citoyens français, et le Comité choisit donc des candidatures pour les deux collègues électoraux. Celle du Père Francis Aupiais, au premier collège, ne souleva pas de problème : missionnaire au Dahomey pendant 25 ans, éducateur et ethnologue, il avait aidé les Africains eux-mêmes à s'intéresser à leur propre culture et jouissait d'une sympathie unanime. En 1945, il était en France, supérieur provincial des Missions Africaines. Il s'intéressait à Marcellin S.M. Apithy et proposa sa candidature au deuxième collège. Ce choix fut contesté par les étudiants dahoméens en France qui lui préféraient le Dr Émile Derlin Zinsou. Celui-ci refusa et Apithy fut finalement investi. Aux deux candidats du Comité, l'Administration opposa Me Jean Louis Bourjac, avocat, et Casimir Th. d'Almeida, instituteur devenu commerçant. Apithy fut élu facilement au premier tour. Le Père Aupiais le fut de justesse au deuxième tour. Quelques jours plus tard, le 14 décembre 1945, il mourait à Paris 34.
Le siège laissé vacant par ce décès fut occupé par un autre missionaire, le Père Jacques Bertho, connu pour ses travaux d'ethnologie et de linguistique, élu sans concurrent à l'élection complémentaire du 10 février 1946.
Les élus africains à l'Assemblée Constituante étaient donc au nombre de neuf: aux six députés d'A.O.F., s'ajoutaient Douala Manga Bell (Cameroun, 2e collège), Gabriel d'Arboussier et Félix Tchicaya (Moyen-Congo-Gabon, 1er et 2e collège).
Il leur fallait choisir le groupe politique auquel ils allaient se joindre. L'Assemblée nouvellement élue se composait comme suit :

Parti politique Nombre de députés
Parti communiste et apparentés 161
Socialistes (S.F.I.O.) 150
U.D.S.R. 29
M.R.P. 150
Radicaux-socialistes 28
Modérés 64
Non-inscrits 4

Les élus du 1er collège avaient tous une étiquette : Kaouza et Chevance-Bertin étaient U.D.S.R., Reste était radical, Père Aupiais, puis Père.
Bertho s'inscrivirent au groupe M.R.P.
Félix Houphouët-Boigny a raconté lui-même comment se fit la répartition des députés africains entre les groupes parlementaires.

« Lamine Guèye était déjà inscrit à la S.F.I.O. Il était notre doyen à tous, et de certains, l'ancien maître à l'École Normale. Quand nous avons été envoyés à l'Assemblée, il nous a tous inscrits à la S.F.I.O. Mais quand nous nous sommes réunis, nous avons considéré, Fily Dabo Sissoko et moi, qu'il serait de sagesse de nous répartir entre les trois partis alors au pouvoir, pour nous attirer leur appui et avoir ainsi plus de force dans nos interventions. C'est ainsi par exemple que Senghor s'inscrivit à la S.F.I.O. et Douala Manga Bell au M.R.P.
Fily Dabo Sissoko et moi étions, parmi tous les élus africains, les seuls représentants de la bourgeoisie et de la chefferie. Nous pouvions donc, plus facilement que d'autres, aller au parti communiste sans craindre d'être accusés de communisme. Moi, bourgeois propriétaire terrien, j'irais prêcher la lutte des classes ? C'est pourquoi nous nous sommes apparentés au Parti communiste sans nous y affilier. A l'origine, nous étions tous d'accord ; les affiliés au M.R.P. et à la S.F.I.O. et les apparentés au Parti communiste » 35.

L'Intergroupe d'Outre-Mer

D'ailleurs vers le milieu du mois de décembre 1945, les députés des T.O.M. décidèrent de créer un intergroupe des élus coloniaux, dont le président fut Paul Valentin (Guadeloupe), assisté de Gabriel d' Arboussier (Moyen-Congo et Gabon), Maurice Chevance-Bertin (Guinée) et Ben Chenouff (Constantine). Les membres de l'intergroupe se mirent d'accord sur un certain nombre de principes à inscrire dans la « Déclaration des Droits » qui devait précéder la future Constitution : égalité des hommes et des femmes des races et des nationalités, reconnaissance à tous les habitants des T.O.M. des droits et des. libertés essentielles de la personne 36. On a pu dire que, désormais, à cette epoque :

« Les conditions sont réalisées pour que des partis modernes puissent se créer. Au lieu d'être voués à une agitation stérile, source de division et d'instabilité, ceux-ci disposent d'emblée du banc d'essai des élections qui met immédiatement la masse à leur portée et leur permet, dans une certaine mesure, de tenir l'Administration en respect. Bénéficiant ainsi, tout à la fois, d'un climat libéral pour lequel d'autres se battent, et de l'ordre colonial, ils ont au départ les meilleures chances de succès » 37.

2. « Un projet assez hardi »

Au moment où se réunissait, le 6 novembre 1945, l'Assemblée Nationale Constituante, nul ne pouvait savoir quelle forme prendraient les relations de la République française avec ses anciennes colonies. Le général de Gaulle, chef du gouvernement, ne cachait pas ses préférences pour l'assimilation. Recevant la commission des Territoires d'Outre-mer, dans les derniers jours de 1945, il déclarait : « Il me paraît que le régime le plus favorable pour vos pays serait encore celui qui est accordé aux Antilles et à la Réunion » 38 qui devaient devenir départements d'Outre-mer par la loi du 19 mars 1946.
A l'opposé tout un courant se dessinait en faveur d'une fédération. Deux mois seulement après la Conférence de Brazzaville, René Pleven, commissaire aux colonies, le reconnaissait :

« (La Conférence est revenue) d'elle-même, par un détour implicite mais nécessaire, à l'idée de fédération, idée-force comme l'a reconnu un de ses plus déterminés adversaires et dont les circonstances très difficiles que nous traversons soulignent quotidiennement la séduction et l'efficience. Une commission d'experts étudiera l'organisation de la Fédération française, mais c'est chacune des colonies qui devra soumettre au gouvernement son projet original de statut » 39.

Les députés africains souhaitaient une structure fédérale, reposant sur des Assemblées locales aux pouvoirs étendus et élues au suffrage universel. Car le maintien d'un double collège d'électeurs et d'une représentation privilégiée des citoyens d'origine métropolitaine, aurait risqué de livrer la majorité noire au bon plaisir d'une minorité de colons ayant les mains libres à l'égard de la Métropole. Le danger n'était pas illusoire : n'était-ce pas le projet élaboré par les premiers États-Généraux de la colonisation ? C'est pourquoi les élus africains préférèrent passer par la voie de l'assimilation en préservant les possibilités d'évolution ultérieure vers l'autonomie. C'est ainsi que « dans l'euphorie de la victoire et l'unanimité de la France progressiste », la première Constituante mit au point « un projet assez hardi » 40.

Dans le gouvernement formé le 21 novembre 1945 par le général de Gaulle et investi le 23 novembre, Jacques Soustelle détenrut le portefemlle de la France d'Outre-mer (F.O.M.).
Deux commissions de l'Assemblée se mirent à travailler sur le texte à élaborer : la commission de la Constitution présidée par André Philip, et celle des Territoires d'Outre-mer (T.O.M.) présidée par Marius Moutet. Ces deux presidents devaient devenir peu après ministres, Philip aux Finances, et Moutet à la F.O.M. dans le gouvernement formé le 26 janvier par Félix Gouin à la suite de la démission du général de Gaulle.
Senghor entra alors à la commission de la Constitution, dont il devint rapporteur pour les questions d'Outre-mer.
Lamine Guèye devint président de la commission des T.O.M., dont le rapporteur était Gabriel d'Ar boussier.
C'est le 11 avril 1946 qu'eut lieu à l'Assemblée Constituante le débat sur ce qu'il était désormais convenu d'appeler l'Union Française (U.F.). Le rapporteur Senghor (S.F.I.O.) présenta la solution de compromis adoptée par la commission : d'un côté, tous les habitants de l'Union seraient des citoyens et les peuples d'O.M. seraient représentés dans les Assemblées de la République ; d'un autre côté, l'ensemble français serait une « Union librement consentie » et les assemblées locales auraient des pouvoirs étendus :

« C'est un système dynamique qui laisse la porte ouverte sur l'avenir.… Les peuples de l'Union pourront se développer librement. Ils auront la possibilité de s'acheminer selon leurs voeux et leur génie propre, soit vers l'assimilation et l'intégration, soit vers l'association et vers la fédération ».

Le projet fut attaqué par le Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.) Paul Viard (Algérie) présenta le contre-projet de son parti : extension de la citoyenneté à tous les Français d'O.M., maintien des statuts personnels dans la mesure où ils n'étaient pas en contradiction avec les droits des citoyens, administration unique et pouvoir central fort, organisation de collectivités locales dont les représentants formeraient une Assemblée des territoires.
Par contre, René Pleven (Côtes du Nord), au nom de l'Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (U.D.S.R.), défendit la thèse fédérative, dont les conséquences devaient être un large transfert de la compétence législative aux assemblées locales et la suppression de la représentation des T.O.M.dans l'Assemblée métropolitaine :

« Puisqu'aucun député de la Métropole ne participera au vote de l'impôt au Soudan, au Niger, à Madagascar, il n'est pas normal et il n'est pas juste que l'impôt de la France métropolitaine puisse être voté par les députés d'électeurs qui ne paieront pas cet impôt ».

Pour Pleven, le Conseil de l'Union n'était pas l'Assemblée fédérale attendue, mais « une cancature de notre espérance » 41.
Dans le gouvernement formé le 21 novembre 1945 par le général de Gaulle et investi le 23 novembre, Jacques Soustelle détenrut le portefemlle de la France d'Outre-mer (F.O.M.).
Deux commissions de l'Assemblée se mirent à travailler sur le texte à élaborer : la commission de la Constitution présidée par André Philip, et celle des Territoires d'Outre-mer (T.O.M.) présidée par Marius Moutet. Ces deux presidents devaient devenir peu après ministres, Philip aux Finances, et Moutet à la F.O.M. dans le gouvernement formé le 26 janvier par Félix Gouin à la suite de la démission du général de Gaulle.
Senghor entra alors à la commission de la Constitution, dont il devint rapporteur pour les questions d'Outre-mer.
Lamine Guèye devint président de la commission des T.O.M., dont le rapporteur était Gabriel d'Arboussier.
C'est le 11 avril 1946 qu'eut lieu à l'Assemblée Constituante le débat sur ce qu'il était désormais convenu d'appeler l'Union Française (U.F.). Le rapporteur Senghor (S.F.I.O.) présenta la solution de compromis adoptée par la commission : d'un côté, tous les habitants de l'Union seraient des citoyens et les peuples d'O.M. seraient représentés dans les Assemblées de la République ; d'un autre côté, l'ensemble français serait une « Union librement consentie » et les assemblées locales auraient des pouvoirs étendus :

« C'est un système dynamique qui laisse la porte ouverte sur l'avenir.… Les peuples de l'Union pourront se développer librement. Ils auront la possibilité de s'acheminer selon leurs voeux et leur génie propre, soit vers l'assimilation et l'intégration, soit vers l'association et vers la fédération ».

Le projet fut attaqué par le Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.) Paul Viard (Algérie) présenta le contre-projet de son parti : extension de la citoyenneté à tous les Français d'O.M., maintien des statuts personnels dans la mesure où ils n'étaient pas en contradiction avec les droits des citoyens, administration unique et pouvoir central fort, organisation de collectivités locales dont les représentants formeraient une Assemblée des territoires.
Par contre, René Pleven (Côtes du Nord), au nom de l'Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (U.D.S.R.), défendit la thèse fédérative, dont les conséquences devaient être un large transfert de la compétence législative aux assemblées locales et la suppression de la représentation des T.O.M.dans l'Assemblée métropolitaine :

« Puisqu'aucun député de la Métropole ne participera au vote de l'impôt au Soudan, au Niger, à Madagascar, il n'est pas normal et il n'est pas juste que l'impôt de la France métropolitaine puisse être voté par les députés d'électeurs qui ne paieront pas cet impôt ».

Pour Pleven, le Conseil de l'Union n'était pas l'Assemblée fédérale attendue, mais « une caricature de notre espérance » 41.

Le 19 avril, l'Assemblée adoptait le projet constitutionnel par 309 voix (communistes et socialistes) contre 249 : le centre et la droite étaient hostiles à un texte qui instituait pour la Métropole une Assemblée unique, donc omnipotente.

Sur le plan de l'Outre-mer, le texte voté était assimilationniste (les dispositionsconcernant l'U.F. étaient dispersées et non regroupées en un seul Titre), mais avec des ouvertures vers l'association. Il déclarait que « la France forme avec les T.O.M. d'une part, et les États associés d'autre part, une “union librement consentie”, donc librement dénouée ». Mais il reproduisait plus loin le principe de 1793 :

« la République française est une et indivisible ». Il était prévu que « … les Territoires auront un “sous-secrétaire d'État résident” remplaçant le gouverneur, et des assemblées locales élues au suffrage universel et direct ; mais les lois de la République étaient applicables de plein droit aux colonies, sauf dérogation… Tous les nationaux et ressortissants français de la Métropole et des T.O.M. devaient jouir des droits de citoyens en conservant leur statut personnel… Les Droits de l'homme, largement complétés et modernisés, étaient étendus à “tous les hommes et toutes les femmes vivant dans l'Union Française”. A côté de l'Assemblée nationale, qui recevrait des députés d'O.M., on prévoyait un “Conseil de l'Union”, élu par les conseillers généraux métropolitains et les assemblées d'O.M. ; mais par crainte de reconstituer un Sénat, on ne donnait aucun pouvoir à ce Conseil, son avis n'était même pas obligatoire … » 42.

Le 25 avril, l'Assemblée acceptait à l'unanimité une loi qui prévoyait qu'en cas d'adoption de la Constitution par le corps électoral, un referendum secondaire aurait lieu, dans un délai de deux mois, pour poser aux ressortissants des T.O.M.la question suivante :

« Approuvez-vous la Constitution adoptée par l'Assemblée Nationale Constituante et déclarant que tous les nationaux et ressortissants français de la Métropole et les T.O.M. jouissent de la qualité de citoyens ? »

Me Lamine Guèye justifiait cette consultation en faisant remarquer « qu'il est stipulé dans le document constitutionnel que l'U.F. est composée de peuples librement associés. Ne convient-il pas, lorsqu'on parle de libre contrat, que les populations dont le sort est en cause aient un moyen quelconque de dire si elles acceptent d'être des associées ? » 43.
Ce referendum secondaire n'eut pas lieu : à la suite de la campagne hostile des partis modérés, le projet de Constitution fut rejeté le 5 mai 1946 par 10 584 359 voix contre 9 454 034. Les T.O.M. dans leur ensemble avaient émis un vote favorable : 344 263 voix pour le projet et 311 773 contre. Les citoyens d'origine africaine avaient voté « oui », tandis que les colons refusaient le projet.
Tout était à refaire.
La première Assemblée Nationale Constituante avait quand même réalisé une oeuvre positive et irréversible en accordant aux habitants des T.O.M. un certain nombre de droits qui leur rendaient possible l'évolution ultérieure.

3. La conquête des libertés

Dès la fin de 1944 des libertés fondamentales avaient été reconnues aux ressortissants des T.O.M. Mais la date essentielle en ce domaine reste le 25 avril 1946. Le projet constitutionnel adopté le 19 avril par l'Assemblée étendait à tous les ressortissants de l'U.F. « la qualité de citoyens avec tous les droits et libertés y attachés ». Cette disposition avait été votée à l'unanimité.
Profitant de cet accord et inquiet de l'opposition des modérés à l'ensemble du projet constitutionnel, Lamine Guèye présenta une proposition de loi, dont l'article unique consacrait l'extension de cette citoyenneté. Et le député du Sénégal expliquait le sens de cette proposition :

« Quelles que soient les vicissitudes ou le sort du referendum, même s'il est négatif, les droits ainsi accordés ne pourront pas être remis en question et l'on pourra dire qu'au moins en ce qui concerne cette question, l'unanimité française s'est réalisée » 44.

Le texte fut effectivement adopté à l'unanimité et sans débat. Ce fut la première loi Lamine Guèye, promulguée le 7 mai 1946.
Ce vote était à la fois la consécration d'une évolution en cours et le point de départ de nouveaux progrès vers l'égalité. La Conférence de Brazzaville avait décidé :

« La suppression progressive des peines ordinaires de l'indigénat doit être assurée dès la fin des hostilités ».

L'indigénat était le régime particulier appliqué aux « sujets » coloniaux. Il donnait aux autorités administratives le droit d'infliger des peines d'amende, de prestations ou de prison pour certains faits qui n'étaient en réalité ni crimes ni délits. La loi était assez souple pour laisser libre cours à l'arbitraire.
La recommandation de Brazzaville rencontra des résistances. En septembre 1945, le Gouverneur général de l'A.O.F. répercutait aux gouverneurs une lettre du 6 août 1945 du ministre des colonies :

« Tenant compte de l'impérieuse nécessité de produire et considérant que les hostilités ne sont pas encore terminées, (le ministre) m'invite à vous donner des instructions pour que “l'indigénat ne soit appliqué que dans les cas où les fautes à sanctionner nuiraient à l'effort de production de guerre”, et il ajoute que, “même dans les cas où il y aurait lieu à application, il conviendrait d'atténuer la rigueur des sanctions”. Le Département a bien précisé que, le régime de l'indigénat étant condamné à disparaître, il ne lui paraissait pas opportun de prendre un décret qui l'aménagerait provisoirement » 45.

Un décret du 22 décembre 1945, signé Jacques Soustelle, abolissait la partie du système de l'indigénat qui concernait les sanctions d'ordre pécuniaire et l'emprisonnement. Marius Moutet compléta cette réforme de 20 février 1946 en supprimant les peines collectives d'amende et l'internement administratif. Au cours du « débat colonial » qui eut lieu du 22 au 26 mars à l'Assemblée Constituante, le ministre dut reconnaître qu'il avait été obligé d'envoyer aux Gouverneurs généraux une circulaire à ce sujet :

« On me signale … qu'un certain nombre de fonctionnaires, pour rendre inopérante la mesure prise, recourent à une série de mesures comme l'arrestation préventive et la détention, pendant 8 à 15 jours, de prétendus prévenus qui sont ensuite relâchés ; ou bien les délits de l'indigénat étant assimilés aux contraventions de simple police, des tribunaux prononcent malgré cela de lourdes amendes, manifestement disproportionnées avec les moyens de l'indigène et la gravité des faits … Une telle attitude va à l'encontre du but poursuivi qui est bien de montrer aux populations autochtones que la France veut traiter tous ses enfants avec une parfaite égalité ».

Les juridictions pénales indigènes furent supprimées par décret du 30 avril 1946. Un texte du 19 novembre 1946 consacra l'extension des juridictions pénales métropolitaines. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse avait été rétablie par l'ordonnance du 13 septembre 1945. Elle fut étendue aux T.O.M. par les décrets du 27 septembre et du 21 novembre 1946. Dès le 24 décembre 1944, la censure en matière politique avait été abolie.
La liberté d'association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, fut étendue à l'Outre-mer par les décrets du 13 mars et du 16 avril 1946.
La liberté de réunion (loi du 30 juin 1881), déjà reconnue au Sénégal, fut accordée à tous les autres territoires par décret du 11 avril 1946.
Mais la victoire qui toucha le plus directement et le plus vivement les populations africaines fut l'abolition du travail forcé:

« Le défenseur que je suis de ceux qui gémissent par milliers sur les routes, devant des gardes porteurs de chicottes, sur les plantations ou dans les coupes de bois, arrachés à leur foyer, à leur propriété, regrette de ne pouvoir trouver les mots justes pour dépeindre comme il convient la souffrance, la grande souffrance de cette multitude qui attend, depuis des années, l'abolition de cet esclavage déguisé qu'est le travail forcé » 46.

C'est en ces termes que Félix Houphouët-Boigny commençait, le 23 mars 1946 à l'Assemblée Constituante, son réquisitoire contre le recrutement de travailleurs. Le député de la Côte d'Ivoire était le mieux placé pour livrer ce combat, car « partout la main-d'oeuvre forcée a été utilisée, mais beaucoup plus en Côte d'Ivoire que partout ailleurs, du fait de la présence de colons qui se livrent aux cultures … et à l'exploitation en grand de la coupe du bois » 47.

La Conférence de Brazzaville avait fixé un délai de cinq ans pour l'abolition du travail forcé. Le point de départ de ce délai était le 1er juillet 1944 48. Quelques jours plus tôt, le ministre des colonies avait donné des instructions pour que, à compter du 1er janvier 1945, les « prestations en nature » soient remplacées par une « taxe vicinale ». Celle-ci, créée dès 1938 dans certains cercles de l'A.O.F. sous le nom de « taxe additionnelle », devait être progressivement étendue à toute la Fédération sous sa nouvelle appellation 49.
Le gouverneur Latrille réunit, à Abidjan, le 20 avril 1944, les délégués des employeurs ; ceux-ci opposèrent une fin de non-recevoir aux dispositions qui leur étaient signifiées pour mettre fin au travail forcé. En juillet, les planteurs africains créèrent leur propre syndicat, présidé par Houphouët-Boigny (cf. supra p. 34), et lancèrent en septembre une campagne de recrutement de travailleurs volontaires, auxquels ils proposaient des conditions normales de travail. Ils trouvèrent 1 500 travailleurs en Moyenne-Côte d'Ivoire et 3 500 en Haute-Côte. De leur côté, le gouverneur Latrille et le responsable du service du travail avaient fait, à la même époque, une grande tournée d'information dans le Nord du territoire.
En décembre, une conférence réunie à Abidjan permit déjà une première réduction de 10 à 25 % des effectifs recrutés. Une autre conférence, tenue en janvier 1945 à Dimbokro sous la présidence du gouverneur Digo, secrétaire général de l'A.O.F., permit une confrontation des représentants des planteurs européens avec les trois responsables du Syndicat des Planteurs Africains, Félix Houphouët-Boigny, Joseph Anoma et Marcel Laubhouet.
Le ministère chargea l'inspecteur de la F.O.M. Lucas de faire un rapport sur ce problème. La mission Lucas, commencée le 3 mars 1945, s'acheva sur un rapport prudent : la suppression du travail obligatoire n'est pas impossible ; elle est souhaitable car le pays mossi, principal réservoir de main-d'oeuvre, est excédé par ce recrutement forcé. Mais il faut éviter un effondrement de la production. Les premières mesures à prendre sont économiques : le nombre de travailleurs recrutés est trop important. On peut supprimer la campagne du caoutchouc qui, en 1944, a absorbé 5 millions de journées de travail pour une collecte de 1 200 tonnes ! L'utilisation du charbon à la place du bois de chauffe consommé par le chemin de fer et la mécanisation du travail sur les routes permettront de réduire encore une bonne part des 7 234 000 journées de travail effectuées en 1944 sur les chantiers publics. Ils restera à réduire les 10 millions de journées faites sur les exploitations privées.
Un Comité intersyndical des planteurs européens et africains fut mis sur pied le 18 avril 1945. L'objectif était de fusionner les deux syndicats. Houphouët-Boigny n'était pas hostile au principe, mais voulait que les planteurs européens renoncent à certains abus :

« Ils refusèrent. Ils voulaient la fusion pure et simple, sans engagement de leur part. Autrement dit, ils nous proposaient l'association du cheval et du cavalier, nous restant toujours les pauvres chevaux !… Nous avons refusé » 50.

Dès le 21 avril, le Comité intersyndical avait vécu.
Les planteurs européens allèrent présenter au gouverneur Latrille les conclusions de leur Assemblée générale du 23 mai. Pour eux, « toute la politique coloniale doit être une politique de production que rien ne doit entraver » 51. Latrille réaffirma sa volonté de mettre fin aux recrutements forcés. Le 8 août suivant, il partait en congé, et la plupart des Européens espéraient que ce serait un départ définitif. Il fut remplacé par le gouverneur de Mauduit, qui avait été procureur général de la colonie, avant d'entrer dans l'administration coloniale.
Forts du soutien de certains grands chefs coutumiers, les planteurs africains recrutaient sans peine la main-d' oeuvre nécessaire en payant des salaires convenables. Le salaire journalier était alors de 4 à 6 F, ce qui, avec la nourriture et le logement, représentait une rémunération réelle de 9,50 à 12 F. Les travailleurs pouvaient gagner 6 fois plus dans la colonie voisine de Gold-Coast : d'où une émigration massive de Voltaïques vers ce territoire britannique. Les planteurs ivoiriens proposaient un salaire de 25 F, plus les avantages en nature. Les planteurs européens furent obligés de s'aligner. La concurrence aidant, le taux moyen s'établit autour de 42 F par jour, tout compris, et même 50 F sur les exploitations forestières 52.
Le 16 février 1946, le gouverneur de Mauduit quittait la Côte d'Ivoire. Malgré les pressions des milieux coloniaux, le gouverneur Latrille reprenait le commandement du territoire à la fin du mois de mars. Au même moment, Félix Houphouët-Boigny demandait à l'Assemblée Constituante de sanctionner par une loi la suppression du travail forcé.

« Au moment où nous pensions aboutir, expliquait-il plus tard 53, après plusieurs discussions en commission, M. Moutet, notre ancien président de la commission des T.O.M., devenu ministre, proposa la suppression du travail forcé par décret. Je combattis la proposition présentée en son nom par son successeur Lamine Guèye, qui, du reste, avec les autres élus, m'appuya ».

Houphouët-Boigny avait vu la manoeuvre :

« Je suis persuadé que si nous n'avions pas demandé que la loi fût votée séparément, les colons … auraient obtenu l'ajournement de cette proposition de loi » 54.

La loi Houphouët-Boigny fut votée sans débat le 5 avril 1946 et promulguée le 11 avril. Désormais le travail forcé ou obligatoire était interdit et toute contrainte en ce domaine serait sanctionnée.
Les planteurs européens crièrent aussitôt à la catastrophe et prédirent l'effondrement de l'économie. Il y eut certes une première vague de départs de travailleurs, et aussitôt les colons se plaignirent de l'indifférence des pouvoirs publics et de « leur refus de (les) aider officiellement au même titre que le Syndicat des Planteurs Africains » 55 … Puis ils se résignèrent à faire des tournées de recrutement en Haute-Côte d'Ivoire 56. Un certain nombre de travailleurs, bénéficiant de la gratuité de transport que leur valait la carte de travail, en profitèrent pour déserter rapidement les exploitations qui les avaient recrutés et aller jusqu'à Abidjan 57. Et l'administration signala effectivement une certaine baisse de stabilité et de rendement 58.
Mais quinze mois après la suppression du travail forcé, « la question de la main-d'oeuvre (était) pratiquement résolue en Côte d'Ivoire. Tous les employeurs qui traitent normalement leurs travailleurs trouvent des volontaires … Beaucoup d'employeurs voient se présenter à l'embauche plus de travailleurs qu'ils ne peuvent en engager » 59. Même constatation au Soudan :

« La liberté du travail n'a eu aucune répercussion fâcheuse sur le marché de la main-d'oeuvre qui suffit en général aux besoins locaux. En dehors de la période des cultures, il suffit de faire connaître les besoins administratifs aux travailleurs pour avoir plus de candidats qu'il n'y a de places sur le chantier » 60.

En Guinée, le gouverneur Terrac avait jugé utile de lancer un appel au travail 61. Mais la désertion momentanée des travailleurs n'eut pas de suite.
Et en Haute-Côte d'Ivoire, c'était le soulagement :

« Les derniers recrutements forcés datent de juillet 1945 … Le travail forcé a été supprimé pour le plus grand bien de nos populations. Il ne reste plus qu'un souvenir, un mauvais souvenir » 62.

Dans certaines régions, on avait bien essayé de maintenir une forme indirecte du travail forcé : les cultures et les récoltes obligatoires. Dès que Fily Dabo Sissoko et Houphouët-Boigny eurent déposé une proposition de loi pour inviter le gouvernement à supprimer cette contrainte, le ministre demanda au Gouverneur général de veiller à ce que « de telles pratiques (soient) immédiatement abandonnées. Je ne tolérerai aucune exception au principe de la liberté du travail et je n'hésiterai pas à déplacer les fonctionnaires, si haut placés soient-ils, qui enfreindraient cette règle impérative » 63.
Le Gouverneur général Barthes transmit cette lettre aux gouverneurs : « Ces instructions sont formelles et doivent entrer immédiatement en application » 64.
Il restait encore à liquider l'irritante question de la deuxième portion du contingent.
Chaque année, l'armée ne mobilisait qu'une petite partie du contingent :en 1944, elle ne mobilisa que 9 400 jeunes, dont 400 pour la Marine, acceptant en outre que les engagés volontaires représentent 20 % de l'effectif 65. Les jeunes gens non mobilisés pouvaient être retenus pour travailler sur des chantiers publics. Pour le Gouverneur général Cournarie, il convenait de « tendre résolument et rationnellement vers une généralisation de l'emploi de cette catégorie de main-d'oeuvre … (généralisation) qui n'est autre qu'une préfiguration du Service du Travail recommandé par la Conférence de Brazzaville ». Le Gouverneur général souhaitait que ces travailleurs soient encadrés si possible par l'autorité militaire et que « les conditions d'existence (nourriture, habillement, salaire, logement, hygiène et soins médicaux, loisirs) soient largement prévues et se rapprochent au maximum des conditions d'existence des tirailleurs » 66, ce qui laisse entendre qu'elles étaient inférieures …
Trois ans plus tard, la situation n'avait pas changé :lors du voyage du Président de la République en A.O.F. 67, le député Ouezzin Coulibaly notait que « tous ceux qui ne se sont pas contentés d'assister en sa compagnie à une comédie administrative, ont pu voir, derrière le lycée Van Vollenhoven à Dakar, une multitude d'hommes habillés de bleu de chauffe, qui, de 6 h à 13 h 15, surveillés, cravaches en main, par des gardes, creusaient de profondes tranchées ; ces hommes soumis à une discipline militaire et trop souvent victimes de mauvais traitements, étaient payés, comme les tirailleurs, 4 F 50 par jour. C'est ainsi que le travail forcé étant en principe supprimé, la haute administration obtient de l'autorité militaire des manoeuvres à bon marché » 68.
Le 29 janvier 1949, Me Silvandre, député S.F.I.O. du Soudan, attirait l'attention du ministre de la F.O.M. sur la gravité de ce maintien déguisé du travail forcé 69. En réponse à cette question, Tony Révillon, secrétaire d'État à la F.O.M., affirmait qu'il s'agissait en fait de « bataillons de pionniers », mais reconnaissait que « le recours à la deuxième portion doit évidemment disparaître. Au fur et à mesure que le marché de la main-d'oeuvre retrouvera son équilibre, nous serons amenés à y renoncer » 70.

Dans son discours à l'ouverture du Grand Conseil de l'A.O.F., le 3 septembre 1949, le Haut-Commissaire Cornut-Gentille affirmait : « Il ne reste plus actuellement en A.O.F. qu'une centaine de travailleurs (de la deuxième portion du contingent) affectés à la piste mauritanienne … Ils seront libérés avant la fin de l'année » 71.

[Erratum — B. Cornut-Gentille fut Haut-Commissaire, gouverneur général de l'Afrique-Occidentale française (AOF) de septembre 1951 à juin 1956. C'est Paul Béchard qui exerçait cette fonction en 1949. — Tierno S. Bah.]

Le bilan de la première Assemblée Nationale Constituante n'a donc pas été purement négatif, malgré le rejet de son projet de Constitution. Grâce au harcèlement et à la vigilance des premiers représentants élus de l'Afrique Noire, un certain nombre de libertés étaient acquises. Et cet acquis ne pouvait plus être remis en question.

Notes
1. Cité par Raoul Girardet. L'idée coloniale en France, 1871-1962, Paris, La Table Ronde, 1972, 338 p., p. 237.
2. Charles de Gaulle. Mémoires d'Espoir, tome I, p. 16.
3. René Pleven, Discours d'ouverture à la Conférence de Brazzaville.
4. René Servoise, in Politique Étrangère, numéro spécial, octobre 1954, p. 386.
5. Girardet, op.cit., p. 210.
6. Louis Mérat. Fictions et Réalités coloniales, Paris, Sirey, 1946, p. 113.
7. Robert Delavignette. L'Afrique Noire française et son destin, Paris, Gallimard, 1963, 208 p., pp. 174 ss.
8. Habib Thiam. L'évolution politique de l'A.O.F., de l'Union française à la Communauté, Mémoire pour l'École Nationale de la F.O.M., ronéotypé, 54 p., 24 mars 1959, p.20.
9. Intervention à l'Assemblée Nationale Constituante, 22 mars 1946, cité in Marchés Coloniaux, n° 21 du 6 avril 1946.
10. Girardet, op.cit., p.213.
11. Doudou Guèye, in Fondation Houphouët-Boigny, n° 1, juillet 1947, p. 43.
12. Ibid., p. 37.
13. Ibid., p. 29.
14. Paul-Henri Siriex : Une nouvelle Afrique, A.O.F. 1957, Paris, Plon 1957, 278 p., p. 109
15. Paris-Dakar, n° 2958 du 4 octobre 1945.
16. Ibid., n° 2881 des 1er et 2 juillet 1945.
17.Marchés Coloniaux, 8 décembre 1945.
18. Le Monde. Élections et référendums des 21 octobre 1945, 5 mai et 2 juin 1946, Paris, 1946.
19. Ruth Schachter Morgenthau. Political parties in French speaking West Africa. Londres, Oxford University Press, 1964, 446 p., p. 137 ; Mercier P. et Balandier G. Les pêcheurs lébous. Etudes sénégalaises, n° 3.
20. Gabriel d'Arboussier, Mémoires inédits.
21. Morgenthau, op.cit., p. 197.
22. Gabriel d'Arboussier, op.cit.
23. Georges Chaffard. Les carnets secrets de la décolonisation, tome 1, Paris, Calmann-Lévy, 1965, 350 p.
24. Albert Mouragues. Une goutte d'eau dans la mer, manuscrit inédit, p. 124.
25. G. d'Arboussier, op.cit.
26.Doudou Guèye : Sur les sentiers du Temple, Ventabren, Les Rouyat éd., 1975, 150 pp., p. 39.
27. Daniel Ouezzin Coulibaly, né en 1909 près de Banfora (Haute-Volta), diplômé de l'École Normale William Ponty (1928), instituteur à Bobo-Dioulasso, directeur d'école à Banfora, surveillant general à l'Ecole Normale William-Ponty de 1936 à 1942, décédé le 7 septembre 1958 à Paris.
28. Cité par Doudou Guèye, op.cit., p.?.
29. Albert Salfo Balima: Genèse de la Haute-Volta, Ouagadougou, Presses Africaines, 1970, 253 pp., pp.95 ss.
30. Assemblée nationale, Annexes au Rapport de la Commission chargée d'enquêter sur les incidents survenus en Côte d'Ivoire, n° 11348, p. 13, déclaration de M. Houphouët-Boigny, député.
31. Cité par Charles-Guy Etcheverry. Histoire du R.D.A., manuscrit inédit.
32. Assemblée Nationale, Annexes, op.cit., pp. 14-15.
33. G. d' Arboussier, op.cit.
34. Maurice A. Glélé. Naissance d 'un État Noir, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1969, 540 pp., pp.75 ss.
35.Interview in Afrique Nouvelle, 19 juillet 1955.
36. Marchés Coloniaux, n° 6 du 22 décembre 1945.
37. Daubezies. Fondements sociologiques des partis en pays sous-développés, in Table Ronde organisée en mars 1959 par l'Association Française de Science Politique, sur « Évolution Politique de l'Afrique Noire ».
38. G. d'Arboussier, op.cit.
39. Lettre n° 5912 du 7 avril 1944 au Gouverneur général de l'A.O.F.
40. Joseph Ki Zerbo. Histoire de l'Afrique Noire, Paris, Hatier, 1972, 704 + XXXII pp., pp.499-500.
41. Marchés Coloniaux, 20 avril 1946 ; Hubert Deschamps : Les Méthodes et les doctrines coloniale de la France, du XVIe s. à nos jours, Paris, Colin, 1953, 222 pp., pp.186 ss. ; Daniel Boisdon. Les Instiutions de l'Unio Française, Paris, Berger-Levrault 1949, 291 pp., pp.19 ss.
42. Deschamps, op.cit., pp. 188-189.
43. Annales de l'Assemblée Nationale Constituante, 1ère séance du 25 avril 1946.
44. Ibid., 2e séance du 25 avril 1946.
45. Circulaire n° 427/AP du 15 septembre 1945 du Gouverneur général aux gouverneurs.
46. Annales de l'Assemblée Nationale Constituante, séance du 23 mars 1946.
47. Assemblée Nationale, Annexes, op.cit., p. 2.
48. Lettre n° 5816 du 31 mars 1944 du Commissaire aux colonies au Gouverneur général de 1 A.O.F., translllise aux gouverneurs par Instruction TO n° 39 du 14 avril 1944 du Gouverneur général.
49. Circulaire n° 342 AP/ 4T, Direct. générale des A.P.A.S., 7 juin 1944.
50. Assemblée Nationale, Annexes, op.cit., p. 19.
51. Paris-Dakar, n° 2860, 7 juin 1945.
52. Marchés Coloniaux, 29 septembre 1947.
53. Réunion organisée le 10 octobre 1951 au cinéma « Vox » d'Abidjan par le journal « La Côte d'Ivoire ».
54. Assemblée Nationale, Annexes, op.cit. p. 19.
55. Rapport du président du Conseil d'administration de l'Union des Planteurs de Gagnoa cité par Marchés Coloniaux, n° 77, 10 mai 1947.
56. Ibid.
57. Marchés Coloniaux, 11 janvier 1947.
58. Rapport annuel de 1946 de la Côte d'Ivoire. 59. Rapport politique mensuel de la Côte d'Ivoire, n° 470 bis de septembre 1946.
60. Rapport n° 128/ APAS/2 du 14 février 1948, Soudan français.
61. Marchés Coloniaux, n° 36,20 juillet 1946.
62. Rapport annuel de 1946 de la Côte d'Ivoire, cercle de Tenkodogo.
63. Lettre n° 4024 AE/S du 2 avril 1946 du ministre des Colonies au Gouverneur général de l'A.O.F.
64. Lettre n° 228/Cab. du 21 mai 1946 du Gouverneur général à tous les gouverneurs.
65. Lettre n° 436 du Cabinet militaire 1re section, Dakar, 2 août 1944.
66. Lettre n° 408 AP/4T, du 13 juillet 1944, Dakar, Direction générale des A.P.A.S.
67. Vincent Auriol, Dakar, le 20 avril 1947.
68. Extrait d'un rapport rédigé en octobre 1948 par la Confédération Générale du Travail, cité in Présence Africaine, n° 13.
69. Assemblée Nationale, débat du 29 janvier 1949, cité par Afrique Nouvelle, n° 79, 6 février 1949.
70. Ibid.
71. Bulletin du Grand Conseil de l' A.O.F., septembre 1949, tome 1, p. 10.

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